Nicole Belloubet justifie la suppression de la subvention au Genepi

La garde des Sceaux a estimé sur France Inter que l’association d’aide aux détenus développait des thèses « très hostiles à la politique publique » conduite par le gouvernement.

Jean-Claude Renard  • 7 novembre 2018
Partager :
Nicole Belloubet justifie la suppression de la subvention au Genepi
© photo : GERARD JULIEN / AFP

Voilà une semaine, on apprenait que le Genepi, association étudiante tournée vers l’aide aux détenus et le décloisonnement des institutions carcérales, voyait sa subvention de 50 000 euros annuels supprimée par la Direction de l’administration pénitentiaire (DAP), malgré un partenariat national noué il y a quarante-deux ans. _« Après plusieurs mois d’absence de dialogue, dénonçait le Genepi, cette convention a été unilatéralement rompue le 20 septembre. » Une décision qui bien évidemment remet en cause la capacité de l’association à poursuivre ses activités et menace même sa raison d’être. Motif principal de la DAP : l’association, a depuis quelques années, réduit très largement la voilure de ses heures d’enseignement en prison.

Invitée dans la matinale de France Inter, la garde des Sceaux a dû revenir sur le sujet, interpellée par une auditrice, qui demandait des explications et si cette décision brutale était en accord avec une logique de réinsertion. Réponse sèche de Nicole Belloubet :

Alors même que le Genepi avait pour missions de faire un nombre d’heures important d’enseignement en détention, ce nombre d’heures a considérablement diminué. Il est passé de 12 000 à 5 000 heures en quelques années, en deux ou trois ans. Et par ailleurs, le Genepi développait des thèses qui sont très hostiles à la politique publique que nous conduisons. Autrement dit, des thèses qui allaient même jusqu’à lutter contre la mise en place de régimes de confiance que nous avons élaborés dans un certain nombre de prisons. Des régimes de confiance qui permettent aux détenus d’être plus autonomes, de circuler librement dans une zone de l’établissement en détention, d’accomplir un certain nombre d’activités, etc. Donc ce n’était plus une politique de partenariat sur les ambitions que nous avions, mais une politique au contraire d’opposition quasiment frontale et permanente. Donc, j’ai pris une décision qui est de supprimer la subvention. Mais, bien entendu, j’autorise toujours l’accès du Genepi aux établissements pénitentiaires.

« J’ai pris une décision qui est de supprimer la subvention. » On pourra faire difficilement plus démocratique comme réponse ! Circulez ! Outre leur droit de libre expression clairement bafoué, les bénévoles du Genepi sauront apprécier le « bien entendu, j’autorise toujours l’accès du Genepi aux établissements pénitentiaires » : cela leur est de plus en plus difficile. Depuis la suspension de cette convention, plusieurs bénévoles ont vu leurs actions annulées par l’administration pénitentiaire. C’est le cas, rapporte l’association sur son site, pour le centre pénitentiaire sud francilien (Réau, 77), la maison centrale de Poissy (78), le centre pénitentiaire de Fresnes (94). Diverses interventions en détention ont été également suspendues dans les régions Haut-de-France, Rhône-Alpes-Auvergne et menacées en Provence-Alpes-Côte-d’Azur.

Police / Justice
Temps de lecture : 2 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Après Mazan, comment faire pour que les hommes arrêtent de violer ?
Analyse 20 décembre 2024 abonné·es

Après Mazan, comment faire pour que les hommes arrêtent de violer ?

La photojournaliste Anna Margueritat a suivi l’intégralité du procès des violeurs de Mazan. Après le verdict rendu jeudi 19 janvier, elle revient sur les violences entendues au quotidien et celles qui continueront.
Par Anna Margueritat
Mazan : tous coupables, et après ?
Parti pris 20 décembre 2024

Mazan : tous coupables, et après ?

Le procès des violeurs de Mazan s’est terminé jeudi 19 décembre, avec la condamnation des 51 hommes accusés. Il clôt une séquence judiciaire qui a été largement scrutée, et qui a révélé l’ampleur de ce qu’il reste à faire en matière de lutte contre les violences sexuelles.
Par Salomé Dionisi
Au procès de Christophe Ruggia, la colère d’Adèle Haenel, « cette enfant que personne n’a protégée »
VSS 11 décembre 2024 abonné·es

Au procès de Christophe Ruggia, la colère d’Adèle Haenel, « cette enfant que personne n’a protégée »

Accusé par l’actrice de lui avoir fait subir des agressions sexuelles entre ses 12 et ses 15 ans, le réalisateur était jugé au tribunal correctionnel ces 9 et 10 décembre. Un procès sous haute tension qui n’a pas permis de rectifier les incohérences du prévenu. Cinq ans de prison dont deux ans ferme aménageables ont été requis.
Par Salomé Dionisi
VSS, procès Pelicot… Qu’est-ce que la victimisation secondaire ?
Justice 29 novembre 2024 abonné·es

VSS, procès Pelicot… Qu’est-ce que la victimisation secondaire ?

Pour les victimes de violences sexistes et sexuelles, à la blessure des actes criminels s’ajoute parfois aussi celle infligée par les acteurs du système de justice pénale, comme l’illustre le procès des viols de Mazan.
Par Chloé Bergeret