#NousToutes : « Les femmes ont été entendues »
Mobilisation « historique » selon les organisatrices de #NousToutes. Le 24 novembre, la marche contre les violences sexistes et sexuelles a réuni 60 000 manifestants en France.
dans l’hebdo N° 1529 Acheter ce numéro
À gorge déployée, une femme hurle au milieu des grands boulevards parisiens. Victime des violences de son ex-conjoint, son cri de désespoir semble se muer en courage, puis en soulagement. « Ça fait du bien de crier », lâche-t-elle dans un soupir, vite étouffé par un rire. Elle n’était pas seule. Derrière elle, se dressait samedi 24 novembre un cortège de dizaines de milliers de manifestantes et manifestants contre les violences sexistes et sexuelles. Les 50 marches organisées en France auraient rassemblé plus de 50 000 personnes, dont 30 000 à Paris, selon les organisatrices (12 000, selon la préfecture de Paris).
Les pancartes violettes du mouvement #NousToutes ont coloré les rues de la capitale, mais elles n’étaient pas seules. Le féminisme s’est déployé dans toute sa diversité. Ici, « Pas de féminisme sans les putes » du Syndicat du travail sexuel (Strass). Là, « Ta main sur mon voile, ma main dans ta gueule » de Lallab, association pour porter la voix des femmes musulmanes. Madeline Da Silva, adjointe à la mairie des Lilas (Seine-Saint-Denis) et coorganisatrice de la marche, revient sur cette journée.
Avant la marche, vous déclariez « cette marche pourrait être historique ». C’est le cas, selon vous ?
Madeline Da Silva : C’est certain. L’année dernière, nous étions 2 000 à Paris. Cette année, nous étions 30 000. Jamais aucune manifestation contre les violences faites aux femmes n’avait réussi à réunir autant de monde. La manifestation a attiré au-delà des seuls cercles militants, au-delà des convaincus. Nous assistons à un début de prise de conscience avec le mouvement #MeToo, il y a une « libération des oreilles ». Les femmes ont toujours parlé, aujourd’hui, elles ont été entendues. Mais après les témoignages, les femmes ont besoin d’agir.
Fait rare, nous avons vu les femmes voilées, les transsexuels et les travailleuses du sexe en tête de cortège.
C’est un signal positif. Le mot d’ordre était simple : stop aux violences. Difficile de faire plus inclusif. Nous ne sommes pas forcément toutes d’accord, mais sur ce sujet, il y a unanimité. Quand les commentateurs parlent de politique, ils raisonnent en termes de débat. Quand ils parlent de féminisme, ils raisonnent en termes de division. Le plus important, c’est que toutes celles qui le voulaient ont pu descendre massivement dans la rue.
Selon vous, que révèle le traitement médiatique qui vous a été accordé ce weekend ?
Les grands médias nous ont réservé une place de second, voire de troisième rang. Nous savons pourquoi les violences sexistes et sexuelles ne sont pas encore au cœur des politiques publiques. Elles ne sont pour l’instant pas au cœur des préoccupations de notre société. C’est aussi l’ambition de #NousToutes : maintenant, vous ne pouvez plus nous ignorer. Ni les violences ni les victimes. La prochaine fois nous serons un million. Et quoi qu’il se passe d’autre dans l’actualité, personne ne pourra plus nous invisibiliser.
La suite reste à écrire ? Le prochain rendez-vous sera le 8 mars [journée internationale des droits des femmes] ?
Il y aura une suite. Reste à en définir la forme. Beaucoup de personnes nous ont posé la question. Nous avons une responsabilité désormais, nous ne pouvons pas les laisser seules sans réponse jusqu’au 8 mars. Nous devons questionner nos pratiques, le faire avec les gens présents lors de la marche. Si nous utilisons nos vieilles recettes, nous n’allons pas réussir. Nous ne devons pas passer à côté de cette occasion.