À propos de « connards »

Depuis l’été dernier, c’est sur Twitter que Raphaël Enthoven distribue ses leçons de sagesse.

Sébastien Fontenelle  • 19 décembre 2018 abonné·es
À propos de « connards »
© photo : ERIC PIERMONT / AFP

S****ur Twitter, où il semble désormais passer encore plus de temps qu’auparavant, Raphaël Enthoven, par l’effet d’une modestie dont il arrive qu’il s’affranchisse, se présente comme un basique « prof de philo ». Son dernier éditeur en date se montre un peu plus exhaustif : Enthoven, explique-t-il, « est professeur de philosophie tant qu’il peut, et sur tous les supports qu’on lui donne ».

Jusqu’à l’été dernier, c’est à la radio qu’il exerçait ce talent (plutôt qu’au contact de lycéen·ne·s – catégorie qui lui inspire, nous l’allons voir, des élans contrastés) : il dispensait sur Europe 1 (groupe Lagardère) des cours de maintien d’où il ressortait notamment que l’antiracisme, d’accord, mais à condition qu’il ne soit tout de même pas trop radical, parce que bon, les femmes voilées, hein. Mais, au mois de juillet, cette collaboration a pris fin. Et, depuis, c’est sur Twitter qu’il distribue quotidiennement ses leçons de sagesse.

L’autre semaine, par exemple, des lycéen·ne·s se sont agenouillé·e·s un peu partout en France pour marquer leur solidarité avec leurs camarades de Mantes-la-Jolie victimes quelques jours plus tôt d’une révoltante brimade policière collective. Dans un premier temps, Enthoven, que cette brutalité n’avait que peu ému – c’est au tri de ses indignations que se reconnaît aussi le publiciste d’envergure –, a considéré que les lycéen·ne·s qui s’en offusquaient publiquement étaient, je cite, des « connards ». Puis, haussant d’un cran l’obscénité de son commentaire, il a précisé : « Je n’aurais jamais dû employer le terme “connards” pour décrire les lycéens qui s’agenouillent “en solidarité” avec ceux de Mantes-la-Jolie, car le mot est faible (1). »

Déjà, c’était beaucoup – mais ce n’était pas tout. Car il a ensuite twitté, après l’élection d’une Miss France tahitienne : « Comment la rhétorique identitaire de certains antiracistes va-t-elle s’accommoder de Miss France 2019 ? Par quel mot nouveau, par quel sophisme, vont-ils s’arranger pour y voir la preuve supplémentaire d’un “racisme systémique” – ou d’une xénophobie d’État ? »

Et, bien sûr, je me suis – comme toi, peut-être – posé la question en des termes un peu crus mais que lui-même ne renierait assurément pas : est-ce que ce gars qui en est à (se) raconter (quelques jours seulement après avoir accablé de sa morgue des lycéen·ne·s bouleversé·e·s) que, si des téléspectateurs votent pour une Tahitienne, alors la France n’est pas raciste – est-ce que ce gars, disais-je, ne serait pas des fois quelque chose comme un très, très grand * ? (Et même : est-ce que ce mot ne serait pas un peu faible ?)

Mais je garderai pour moi la réponse que je me suis faite : je m’aperçois qu’il me reste à peine assez de place – la faute à ces deux feuillets dont je quémande le doublement depuis le 25 décembre 1115 – pour te souhaiter un joyeux Noël et une très bonne année.

(1) C’est moi qui souligne

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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