Feu vert de Trump à une offensive turque contre les Kurdes

Le retrait des 2 000 soldats étatsuniens positionnés dans le nord de la Syrie comporte, dans les circonstances actuelles, de nombreux risques.

Denis Sieffert  • 20 décembre 2018
Partager :
Feu vert de Trump à une offensive turque contre les Kurdes
© photo : DELIL SOULEIMAN / AFP

On devrait normalement se réjouir de la décision de Donald Trump, annoncée le 19 décembre, de retirer les troupes américaines de Syrie au prétexte que Daech serait définitivement vaincu. Dans la grande tradition pacifiste, le retrait des États-Unis d’une zone de guerre pourrait même représenter un événement exceptionnel. 

Mais les temps changent, et les situations sont infiniment plus complexes qu’à l’époque de la guerre du Vietnam, pour ne citer que cet exemple. Le retrait des quelque deux mille soldats étatsuniens positionnés dans le nord de la Syrie comporte, dans les circonstances actuelles, de nombreux risques. C’est un double cadeau offert à Vladimir Poutine, qui s’est d’ailleurs empressé de qualifier de « juste » la décision de son ami Trump, et à Recep Tayyip Erdogan qui ne manquera pas d’interpréter la décision de la Maison Blanche comme un feu vert à l’élimination des Kurdes syriens. Ceux-ci étant pour l’instant « protégés » par la présence américaine. 

Le ministre turc de la Défense a aussitôt affirmé que son pays travaillait « d’une manière intense » au sujet de la présence des YPG (la branche armée du Parti de l’union démocratique, kurde syrien) dans le nord de la Syrie, et notamment dans la ville de Minbej. Avant d’ajouter cette formule sans ambiguïtés : « En temps et lieu voulus, ils seront enterrés dans les fosses qu’ils creusent. » 

D’un point de vue géostratégique, Trump livre donc la Syrie à la domination russe, et d’un point de vue militaire, il sacrifie cyniquement les Kurdes qui ont été ses alliés dans la lutte contre Daech. Ce qui provoque aux États-Unis de vives critiques jusque dans le camp républicain, ainsi qu’au Royaume-Uni, où l’ont souligne qu’il n’est pas vrai que Daech soit complètement vaincu. 

Mais le Président américain, comme toujours, cherche à flatter ses électeurs, dont beaucoup ignorent probablement jusqu’à l’existence du peuple kurde.

Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

« Aux États-Unis, l’existence des personnes trans pourrait être rendue impossible »
Entretien 4 février 2025 abonné·es

« Aux États-Unis, l’existence des personnes trans pourrait être rendue impossible »

Alors que Donald Trump multiplie les décrets transphobes, Maud Royer, présidente de l’association Toutes des femmes et autrice de Le Lobby transphobe (Textuel, 2024) revient sur le poids que ces décisions peuvent avoir dans le contexte français.
Par Hugo Boursier
Jim Acosta, « bête noire de Trump », quitte CNN : est-il déjà trop tard ?
Sur le gril 3 février 2025

Jim Acosta, « bête noire de Trump », quitte CNN : est-il déjà trop tard ?

Le célèbre journaliste a préféré démissionner qu’être rétrogradé par la chaîne d’information. Les mots qu’il a prononcés en direct sonnent comme un cri de ralliement face à l’ère fasciste qu’annonce le second mandat du 47e président des États-Unis.
Par Pauline Bock
Donald Trump en croisade contre les personnes transgenres
Minorités 30 janvier 2025 abonné·es

Donald Trump en croisade contre les personnes transgenres

La nouvelle administration états-unienne entame son mandat avec une série de mesures radicales, destinées à effacer l’héritage progressiste des années Biden. La Maison-Blanche s’emploie désormais à restaurer ce qu’elle appelle « les valeurs américaines ». Derrière ces décisions, Trump mène avant tout une attaque frontale contre les droits fondamentaux, dans un climat de haine exacerbée.
Par Maxime Sirvins
« J’ai pleuré de bonheur et aussi de tristesse, étant donné l’état de la Syrie »
Entretien 29 janvier 2025 abonné·es

« J’ai pleuré de bonheur et aussi de tristesse, étant donné l’état de la Syrie »

Après cinquante ans d’interdiction de séjour en Syrie, Farouk Mardam-Bey, l’éditeur, directeur de la collection Sindbad chez Actes Sud et fin connaisseur de la littérature et de la culture arabes, a pu séjourner dans sa ville natale, Damas, au début de cette année.
Par Christophe Kantcheff