Joey Starr : Au nom de la République

Même si le prompteur est là, le verbe n’a pas la fluence qu’on lui connaît. Sa scène, c’est le rap, pas les planches de théâtre. Joey Starr est un très bon acteur (Polisse l’avait révélé), mais il n’est pas encore comédien : il l’assume et sait rappeler, entre deux textes, qu’il est d’abord lui, trop parfois. Il cherche ses marques, parfois le texte, et dira à la fin que, s’il est là, c’est parce que la perfection n’est pas de ce monde. Malgré tout, il ressort quelque chose de cette soirée d’Éloquence à l’Assemblée, et d’abord un son singulier : la voix caverneuse du tribun d’un soir qui irradie la salle et vient jusqu’à nous.

Les grands discours de l’Hémicycle, le plus souvent révolutionnaires, sont autant de repères pour aujourd’hui. Les canons républicains défilent, telle la bataille laïque contre l’endoctrinement religieux. Une heure et quart qui retrace le chemin fondamental de l’universalité des droits : de l’homme et du citoyen – Robespierre qui plaide pour la vertu, Hugo pour « détruire la misère », Olympe de Gouges pour les femmes –, puis des peuples – Jaurès invoque la paix, Césaire montre la laideur coloniale et « l’ensauvagement du Vieux Continent » – et enfin de la nature, Starr citant Hulot.

Plus que la scène, c’est une tribune que Jérémie Lippmann, auteur et metteur en scène, offre à l’artiste. Celle qui permet de clamer à la face des puissants et sans peur de mourir qu’ils ne peuvent rien contre une idée dont l’heure est venue. La République, quand elle est tout entière tournée vers l’émancipation, reste une idée neuve et radicale. Toute l’audace du metteur en scène réside dans cette intuition qu’il faut donner à cette radicalité le visage brut et la voix rauque de ce Français intrépide. Ce pari-là est réussi. Restent quelques représentations à Joey Starr, loin de l’Assemblée et des Champs-Élysées, pour se dépasser lui-même et ne pas être seulement la star Joey qu’on aime.

Éloquence à l’Assemblée, tournée sur kimaimemesuive.fr/eloquence-a-l-assemblee