Les lycéens frappés par la répression policière
Un jeune grièvement blessé par un Flash-Ball au visage à Garges-lès-Gonesse, six autres gardés à vue à Ivry-sur-Seine pour un tag, 146 interpellations devant un seul lycée à Mantes-la-Jolie : les policiers sont sur les nerfs et ne font pas dans la dentelle.
Choc et stupéfaction à Garges-lès-Gonesse (Val-d’Oise), où un jeune de terminale scientifique a été violemment touché par un tir tendu de Flash-Ball au visage, tandis qu’un autre élève a été arrêté brutalement, pendant des échanges houleux entre policiers et lycéens au lycée Simone-de-Beauvoir, mercredi 5 décembre. Le jour même, les personnels du lycée ont tenu à prendre position et à soutenir leurs élèves face à « l’usage abusif de la violence » par la police.
Jeudi matin 6 décembre, les élèves se sont à nouveau réunis devant le lycée dans le calme, aux côtés de « nombreux professeurs et parents d’élèves, qui étaient à leurs côtés pour veiller à leur sécurité », indique un communiqué des professeurs du lycée. Les slogans « des cours, pas des coups ! » et « non aux violences, oui à l’égalité des chances » ont rythmé cette journée qui a débouché sur des demandes communes de la part des enseignants et des élèves. « Face aux violences policières », ils demandent « qu’une enquête soit ouverte et fasse toute la lumière sur des agissements policiers qui les ont profondément heurtés », ils marquent aussi leur opposition « à Parcoursup et aux réformes du lycée et du baccalauréat, [considérés] comme des atteintes à l’égalité des chances promises par l’école de la République. »
Après cet événement, la peur de débordements lycéens comme policiers a poussé la FCPE 94 à appeler les parents des lycées bloqués dans le Val-de-Marne à se joindre aux manifestations. Aux abords du lycée Jean-Macé à Vitry-sur-Seine, la proviseure madame Schachtel veille au grain. « Je suis là depuis 6 heures ce matin, afin d’assurer que tout se passe bien, nous avons discuté avec les élèves pour vider les poubelles jaunes lorsque le camion est passé, afin d’éviter toute tentative de feu. » Alors qu’ils avaient été dispersés par une équipe mobile de sécurité (EMS) envoyée par l’académie de Créteil vendredi 30 novembre, les lycéens n’ont pas lâché prise.
Ils ont décidé du blocage en assemblée générale, et se sont levés de bon matin afin de mettre en place un barrage filtrant. « Je commençais à midi aujourd’hui, mais c’était important pour moi de venir bloquer, explique Yamin, un des organisateurs. C’était aussi important de la faire de manière pacifique. Avec le contrôle au faciès, moi j’ai trop peur de me faire embarquer pour rien, on sait comment ça se passe… », regrette le jeune homme. Organisés via les réseaux sociaux en différents groupes, ces lycéens ont peur pour leur avenir. En cause, toujours Parcoursup, mais aussi la réforme des bacs pro : « Cette réforme, c’est juste moins d’heures, moins de profs et plus d’élèves par classe », résume Enzo, en première S.
36 heures de garde à vue pour un tag
Quelques centaines de mètres plus loin, devant le lycée Romain-Rolland d’Ivry-sur-Seine, l’ambiance est tout aussi paisible, mais le combat quelque peu différent. Les lycéens manifestent pour soutenir leurs camarades retenus 36 heures en garde à vue, soupçonnés d’avoir tagué leur lycée du slogan « Macron démission ». Ils veulent pousser la proviseure à retirer sa plainte afin d’éviter toute poursuite des élèves. « Elle prétend qu’elle doit garder sa plainte pour l’assurance, car c’est une vitre spéciale qu’on ne peut pas nettoyer, c’est n’importe quoi », s’insurge une élève postée devant le lycée.
Après le rapide passage du maire communiste de la ville, Philippe Bouyssou, venu afficher son soutien debout sur les poubelles, les élèves occupent en nombre l’entrée du lycée où aucun élève n’est autorisé à rentrer. Théo, un des élèves gardés à vue, témoigne :
Il était deux heures du matin, on tournait chez les épiciers pour trouver du tabac à chicha, quand une équipe de la BAC et des policiers nous ont contrôlés. Dès le début, c’était violent, un flic a demandé à mon pote s’il pouvait voir son sac. Il s’est retourné pour lui montrer et le flic lui a mis un grand coup de pied dans les couilles. Il va porter plainte.
Après ça, les jeunes hommes ont été embarqués ; quatre d’entre eux ont dû partager « une cellule avec un seul matelas » et étaient « obligés de jeter les déchets dans un coin », faute de poubelle. « Ce n’est que quand le sénateur (Pascal Savoldelli, PCF) est venu qu’ils ont ramené une poubelle », indique Théo. Grand sourire, il exprime sa joie d’être enfin sorti : « En garde à vue, mon moral était au plus bas, mais quand je suis sorti, c’était tout en haut ! Ça fait plaisir de voir tout le soutien du lycée, du maire, du sénateur ! »
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