« Nous les coyotes » : Dans les étoiles

Nous les coyotes montre l’arrivée à Los Angeles de deux jeunes qui ne cherchent pas la gloire mais du travail et de l’indépendance.

Ingrid Merckx  • 11 décembre 2018 abonnés
« Nous les coyotes » : Dans les étoiles
© photo : new story distribution

Ils sont à l’avant d’une voiture, la nuit. Ils se passent le volant. Avalent les kilomètres. Fument. Rappent par-dessus l’autoradio. Ils sont joyeux. Ils ont vingt ans. Ils s’embrassent quand le trafic ralentit. Ils ont l’air d’être sur la route des vacances… En fait, ils partent s’installer à Los Angeles. Ils arrivent tard avec de gros sacs à dos dans une maison avec piscine. L’accueil est froid. La tante d’Amanda les installe dans des chambres différentes. Au petit-déjeuner, elle les sonde.

Amanda a rendez-vous pour un entretien. Elle s’est habillée en jeune fille sage. Reste un petit tatouage derrière l’oreille. Jake est tatoué jusque sur les doigts. Il porte une bague au pouce. Il a une dégaine de surfeur. Un sourire charmant. Il ne sait pas encore ce qu’il va faire à L. A. Quand il emmène les deux petits garçons de la tante faire un plongeon dans la piscine, elle, très collet monté, en profite pour le déprécier. Amanda ne le supporte pas. Ils prennent leurs cliques et leurs claques.

Mais Los Angeles est une jungle, même quand on sait ce qu’on veut. Amanda a le visage encore adolescent mais la tête sur les épaules et l’intelligence des situations. Et de l’expérience quand elle se défend face aux deux faux cools qui la passent sur le gril depuis un canapé en cuir. Quand ils lui proposent de travailler un an sans être payée, elle attaque : « Vous n’embauchez que des riches, soutenus par leur famille ? » Pendant ce temps, Jake se balade, retrouve un ami rappeur qui peine à percer et dépose son CV dans une librairie où il impressionne en parlant de Francis Ponge. Leur Los Angeles est comme le contrechamp de celui du La La Land de Damien Chazelle : fourrière, sans-abri, visite d’appart à la Jeudi noir, zones industrielles, ponts surplombant des voies rapides… Mais pas de bas-fonds pour autant.

L’indépendance du cinéma d’Hanna Ladoul et Marco La Via va jusque-là : s’en tenir à filmer ces deux jeunes qui semblent sans problème majeur autre que celui d’arriver à vivre leur histoire librement. Visages, corps et gestes apparaissent sous différents angles et lumières, souvent en gros plan, plutôt légèrement de profil. La caméra traque leurs regards, leurs réactions, leurs déceptions, comme pour donner à lire les mille émotions qui les traversent dans cette aventure banale et pourtant cruciale.

Les cinéastes suivent leurs vingt-quatre premières heures en ville et font monter la tension jusqu’à des instants où tout pourrait basculer dans le glauque. Mais leur propos n’est pas là. C’est un combat qu’ils filment, la lutte de ces deux amoureux pour assumer leur choix. Juste eux deux.

Nous les coyotes, Hanna Ladoul et Marco La Via, 1 h 27.

Cinéma
Temps de lecture : 2 minutes