Smic, CSG… gare à l’enfumage
Macron tente d’afficher des gestes forts, mais se contente d’accélérer son calendrier. Sa politique économique va se durcir.
dans l’hebdo N° 1531 Acheter ce numéro
En agitant, lundi 10 décembre, « une augmentation de 100 euros par mois » pour les smicards et une annulation des prélèvements supplémentaires sur les retraites modestes, Emmanuel Macron a en réalité enrobé des annonces déjà connues, des mesures automatiques avec quelques demi-renoncements. Le bénéfice pourrait être bien réel pour une partie des Français, mais l’application de ces annonces reste pour le moins floue et leur financement fera de nombreux perdants.
Vraie-fausse hausse du Smic
Le chiffre de 100 euros supplémentaires pour un salarié au Smic est un affichage, qui, si on comprend la communication chaotique du gouvernement, cache une augmentation légale de 25 euros au 1er janvier, correspondant à l’inflation. Sans hausse de pouvoir d’achat donc. Conjuguée à une augmentation de 75 euros de la prime d’activité (qui passera de 155 à 230 euros pour un salarié au smic). Emmanuel Macron promettait une hausse plus importante encore dans son programme et avait déjà annoncé ce coup de pouce en septembre avec le « plan pauvreté ». Le calendrier est néanmoins accéléré, car cette hausse devait initialement prendre trois ans.
Le gain sera réel pour les 2,6 millions de salariés qui touchent cette prime, dont le montant varie selon les revenus. Le dispositif a néanmoins plusieurs défauts. Il exclut les plus pauvres, qui gagnent trop peu pour toucher la prime : 300 000 ménages gagnant la moitié d’un Smic perçoivent une prime réduite ou nulle. Elle est calculée sur l’ensemble des revenus du foyer et ne concerne donc pas l’ensemble des salariés au Smic. Et elle n’est pas soumise à cotisation, ce qui l’exclut du calcul des retraites et des congés maladie.
Enfin, elle n’a pas les mêmes effets globaux qu’une hausse du salaire minimum, car elle n’entraîne pas d’augmentation mécanique des salaires situés au-dessus. Au contraire, la prime d’activité peut être vue comme un moyen de subventionner les embauches à bas salaire, alors que les entreprises sont déjà exonérées en quasi-totalité des cotisations sur les salaires au Smic, notamment grâce au « crédit impôt compétitivité » (CICE), mesure chère au président Macron.
Ce mardi, au Sénat, Gérald Darmanin, ministre des Comptes publics affirmait que le gouvernement ferait dans les prochains jours « une proposition pour faire en sorte que les salariés au Smic qui ne touchent pas la prime d’activité aient une hausse de 100€ sans hausse de charge pour les employeurs ». La prime d’activité ne concerne en effet que 27 % des salariés au smic. Mais couvrir les 2 millions de salariés au smic serait non seulement une gageure législative, tant l’impréparation règne et le calendrier est serré, mais elle se chiffrerait également en milliards.
Retour du « travailler plus »
Les vieilles recettes expérimentées par Nicolas Sarkozy font leur retour. Là encore, l’annonce n’en est pas vraiment une, car la majorité avait déjà prévu de supprimer, en septembre 2019, les cotisations sociales sur les heures supplémentaires. Emmanuel Macron semble vouloir accélérer son calendrier, mais n’a pas été précis lundi. Rasoir à deux lames, Emmanuel Macron annonce que le revenu dégagé de ces heures supplémentaires ne sera plus imposable. Salariés et entreprises sont donc incités à multiplier les heures pour celles et ceux qui ont la chance d’avoir un travail. Une logique qui aurait détruit 30 000 emplois en 2011, selon les calculs de l’OFCE.
Demi-recul pour les retraités
Conscient que ses hausses d’impôt sur les petites retraites étaient très impopulaires, Emmanuel Macron a annoncé l’« annulation en 2019 de la hausse de la CSG » que sa majorité a instaurée. Pour les retraités les plus pauvres (3 millions de personnes, selon Muriel Pénicaud, ministre du Travail), ce serait un vrai bénéfice. Mais son application demeure très floue. La hausse de la CSG réapparaîtra-t-elle en 2020 ? Qui sera concerné exactement ? Ce retour en arrière est également partiel, car, à compter du mois de janvier, les retraites ne seront plus revalorisées automatiquement avec l’inflation. Elles doivent ainsi croître de 0,3 % en janvier, quand il faudrait 1,6 % pour que les retraités ne perdent pas de pouvoir d’achat.
Le reste des annonces résonne comme un numéro d’équilibrisme hasardeux : les entreprises sont incitées à distribuer une prime de Noël qui sera défiscalisée et exonérée de cotisations, dans un calendrier très serré qui rendra l’application de cette mesure compliquée. Les géants du numérique doivent être enfin imposés et la lutte contre les paradis fiscaux doit s’amplifier, sans aucune mesure concrète. Les « citoyens fortunés » et les grandes entreprises seront réunis pour voir si un geste est possible.
Nous sommes donc loin d’un changement de cap. Au contraire, ces mesures devraient accentuer la politique d’austérité conduite par Emmanuel Macron. Car elles coûteront cher (entre 8 et 10 milliards d’euros, voire 14 avec l’annulation des hausses de taxe sur les carburants). Or, Emmanuel Macron ne renonce pas à ses baisses d’impôts pour les plus riches. Il faudra donc trouver cette somme sur les dépenses publiques, les fonds de la CAF, qui distribue la prime d’activité, et les comptes de la Sécurité sociale. Ce sont les services publics et les minimas sociaux qui devraient en pâtir, comme c’est le cas depuis le début du quinquennat. Les réformes de l’assurance chômage, des APL et des retraites restent donc d’actualité. Et s’il espère amadouer une partie du mouvement des gilets jaunes, Emmanuel Macron risque de le réduire à son noyau dur, suivant une stratégie du pourrissement qui fait sa marque de fabrique. Et qui a déjà conduit à la crise actuelle.
Ajout, 13 décembre : déclaration de Gérald Darmanin.