Violence d’État, un système

Toutes légitimes qu’elles puissent être, les exigences salariales des forces de l’ordre ne doivent cependant pas masquer l’autre question : la violence policière.

Pouria Amirshahi  • 19 décembre 2018
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Violence d’État, un système
© photo : KARINE PIERRE / HANS LUCAS

Ils sont épuisés, les bleus. Courir après les lycéens, affronter la furie d’une partie des gilets jaunes, traquer un assassin à Strasbourg… Les syndicalistes en uniforme préviennent du ras-le-bol, invoquent les vingt millions d’heures supplémentaires non payées et, à leur tour… appellent leurs ouailles à suivre l’exemple des mouvements en cours qui, des infirmières aux routiers, exigent de meilleures conditions de travail. Les observateurs étrangers ne manquent pas de gloser sur cet étonnant pays où même les flics participent de l’extension du domaine de la lutte, mais pour nous, c’est presque normal : même celui qui fait goûter du bâton et du gaz lacrymogène aux citoyens a droit de revendiquer pour bien faire son travail… Passons là-dessus, cela nous conduirait à écrire un sketch à l’humour noir so british et pourtant bien français.

Toutes légitimes qu’elles puissent être, leurs exigences salariales ne doivent cependant pas masquer l’autre question : la violence policière, qu’on ne peut seulement imputer à l’émergence de groupes de casseurs encagoulés ultra organisés. Il est des violences policières qui, loin de se résumer à des dérapages individuels, sont le résultat d’un système qui les permettent : le surarmement inouï des forces dites de l’ordre, le recours à la BAC dans les tactiques de gestion de foules, les stratégies d’intimidation dans les contrôles d’identité dont sont victimes les Français noirs et maghrébins… sont d’autant plus inquiétants que les policiers, en effet fatigués par l’utilisation intensive qu’en fait le pouvoir, sont de plus en plus nombreux à risquer la perte de discernement. Perdre une main, un œil n’est pas admissible. Ce qui l’est encore moins, c’est de considérer qu’il s’agit de dégâts collatéraux, et donc excusés à ce titre.

En France, malgré les corps d’inspection, les violences continuent d’êtres couvertes. Ce qu’a résumé Amnesty International dans son enquête publiée le 17 décembre, dans le cadre des manifestations des gilets jaunes : « Si les autorités ont – de manière tout à fait légitime – condamné à maintes reprises les actes de violence commis par des manifestants, elles n’ont pas exprimé d’inquiétudes concernant le recours excessif à la force par des policiers. » Dans l’affaire des lycéens de Mantes-la-Jolie par exemple, quand le Défenseur des droits a ouvert une enquête « sur les conditions dans lesquelles se sont déroulées les interpellations », le préfet a fait de même pour retrouver… celui qui a diffusé ces images. Cherchez l’erreur.

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