« Ervart », d’Hervé Blutsch : Humour nietzschéen
Ervart, un délire philosophique d’Hervé Blutsch.
dans l’hebdo N° 1536 Acheter ce numéro
Auteur joué de façon trop sporadique, Hervé Blutsch bénéficie enfin d’une propulsion de haut niveau avec la création de son Ervart ou les derniers jours de Frédéric Nietzsche par le théâtre de l’Incendie, d’abord à la Comédie de Saint-Étienne, puis, actuellement, au Rond-Point, à Paris. Cet auteur a une vraie folie, une manière bien à lui de déglinguer ses propres histoires pour qu’elles ne soient pas seulement des successions de surprises farcesques mais aussi des plongées dans des zones mystérieuses comme la démence quotidienne, l’ambiguïté sexuelle, les mystères de la création littéraire ou l’idée contemporaine de l’absurde.
Son Ervart est un aristocrate obsédé par la trahison de sa femme, satisfait de ses malheurs, flirtant avec des partenaires masculins et brassant un monde qui lui échappe, jusqu’à en mourir. Autour de lui passent son ombre, haute silhouette noire qui lui colle aux basques, un agent des services secrets, un « psychanalyste-citationniste » (un personnage qui ne cesse de balancer des aphorismes de philosophes), une comédienne en quête de travail, un cheval qui n’est pas allergique à la zoophilie, des comédiens anglais qui se trompent de pièce et Nietzsche lui-même, qui met à la poubelle chacun de ses livres…
Il y a de l’inspiré et du trop facile dans ce manège d’errances et de collisions délirantes où il aurait fallu couper pour atteindre un rythme plus nerveux. La mise en scène de Laurent Fréchuret n’en a pas moins beaucoup d’allure, et les interprètes, Vincent Dedienne, Pauline Huruguen, Marie-Christine Orry, Jean-Claude Bolle-Reddat et Stéphane Bernard, dessinent parfaitement une humanité malade et heureuse de ses bizarreries.
Ervart ou les derniers jours de Frédéric Nietzsche, théâtre du Rond-Point, Paris, 01 44 95 98 21, jusqu’au 10 février. Reprise à Limoges (L’Union) les 13 et 14 février.