« Dans la terrible jungle » : Rock thérapie

Avec des ados déficients visuels, Caroline Capelle et Ombline Ley réalisent un film plein de vie.

Christophe Kantcheff  • 12 février 2019 abonné·es
« Dans la terrible jungle » : Rock thérapie
© photo : les acacias distribution

À la fin de Dans la terrible jungle, une des adolescentes du film demande à refaire une prise. Puis on la voit émerger d’un champ de blé mûr, téléphone à la main, disant à son interlocutrice, sa mère, qu’elle ne veut plus être chanteuse mais coiffeuse. Cette séquence montre sans ambiguïté que ce documentaire a été élaboré avec ceux qui sont devant la caméra, mais aussi qu’il a été en partie mis en scène, voire qu’il comporte une dimension ­fictionnelle.

Caroline Capelle et Ombline Ley ont tourné dans un institut médico-éducatif qui accueille des enfants déficients visuels multi-handicapés, avec une dizaine de ses pensionnaires. Le projet des cinéastes est radicalement différent de celui, par exemple, que Mariana Otero poursuivait avec À ciel ouvert (2013), qui portait sur la qualité des soins. Dans la terrible jungle montre essentiellement de jeunes handicapés. Au gré de scènes de travail – notamment en extérieur : coupe d’herbe, tronçonnage d’arbres… –, de repos et de séances de répétition d’un groupe de musique, le « Roc’ band », composé de quatre ou cinq adolescents, épaulés par quelques adultes.

La musique est un extraordinaire moyen d’expression pour ces enfants dont la vue est atrophiée. Léa, diserte, genre bonne élève, chante de la pop anglo-saxonne avec une voix souple et aérienne. Un garçon rappe sur les paroles de « Toujours debout », de Renaud. Quant à Ophélie, elle tient les claviers dans le groupe, dont elle joue à la manière d’une jazz woman, avec un sens aigu de la scansion. La jeune fille est régulièrement secouée par la jouissance de la musique. Elle semble possédée par le rythme, qu’elle bat comme un métronome sur tout ce qu’elle trouve, ou avec sa jambe dans l’eau, à la piscine, alors qu’elle s’est mise à interpréter une chanson de variété. Ophélie, pour qui la vie n’est par ailleurs pas aisée, est une incroyable performeuse.

Dans la terrible jungle n’est pas qu’un film musical. En dehors de ces instants joyeux, on y voit aussi les difficultés que traversent ces adolescents, la manifestation de leurs angoisses et de leur souffrance. Au cours d’une scène éprouvante, l’un d’eux semble calme, utilisant avec son moniteur une tondeuse à gazon. Quand soudain il se jette violemment sur le sol puis contre un arbre, sans aucune attention au risque de se blesser, incontrôlable.

Les cinéastes n’ont pas intitulé pour rien leur film Dans la terrible jungle. Cependant, dans cette jungle apparaissent aussi des clairières apaisées, des sons libérateurs et des traits d’humour. C’est-à-dire de la soif de vivre, malgré tout !

Dans la terrible jungle, Caroline Capelle et Ombline Ley, 1 h 21.

Culture
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