ESS : « Créer des écosystèmes locaux »
L’ESS est un partenaire naturel des élus dans les territoires, estime Christiane Bouchart.
Biocarburants, ressourceries, initiatives d’alimentation durable… À Lille, les occasions pour les pouvoirs publics de travailler avec l’ESS pour favoriser la cohésion économique et sociale ne manquent pas, explique Christiane Bouchart.
À vos yeux, quelle part a l’ESS dans la cohésion économique et sociale des territoires ?
Christiane Bouchart : L’ESS est une économie à part entière qui s’inscrit dans le développement local, une économie de proximité qui cherche à répondre aux besoins du territoire. Elle est un partenaire naturel pour les élus que nous sommes. C’est une démarche de développement durable construite à partir de pratiques de terrain au service de finalités sociales et environnementales. Elle prône la coopération, la mutualisation des moyens et le développement du lien social. Elle est une école de la démocratie et assure une véritable cohésion économique et sociale. Je pourrais citer bien des initiatives dans les quartiers « politique de la ville » autour de l’alimentation durable ou de la transition énergétique, ou encore les pôles territoriaux de coopération économique (PTCE), qui favorisent mutualisation et coopération entre les acteurs économiques, le monde de la recherche et les universités.
Vis-à-vis de l’ESS, comment les élus gèrent-ils l’explosion des besoins et la raréfaction des ressources ?
L’ESS possède une réelle capacité d’innovation. Les politiques publiques d’ESS sont là pour créer les écosystèmes locaux favorables à la création et au développement d’initiatives prenant en compte cette raréfaction des ressources. Ainsi, Gecco crée à partir d’huile de friture un biocarburant que la ville de Lille utilise notamment dans un bus scolaire. Des associations autour du zéro déchet, des « repair-cafés » ou des ressourceries génèrent réemploi, lien social et moindres dépenses.
En quoi l’ESS peut-elle constituer les bases d’une alternative sociale et démocratique ?
L’ESS contient dans ses gènes la démocratie, la participation des producteurs, des citoyens, des bénévoles, des usagers… Elle engage l’élu à avoir un nouveau positionnement : concevoir, consulter, décider, mettre en œuvre, évaluer autrement. Les partenariats entre les collectivités et l’ESS sont une clé pour répondre aux grands défis contemporains, poser les bases d’une alternative sociale et démocratique.
Cela se traduit par la coconstruction de politiques publiques, au travers des modes de contractualisation. Il s’agit de sortir des logiques de mise en concurrence des acteurs : les collectivités locales doivent revoir la façon dont elles contractualisent, privilégier les subventions de long terme aux marchés publics via des conventions pluriannuelles, intégrer des logiques de coopération. Dans les Scic, l’entrée au capital de la collectivité permet d’appréhender différemment l’organisation et le développement économique local.
Nous, élus, devons reconnaître la capacité des initiatives de l’ESS à produire de l’intérêt général, reconnaître ses acteurs comme des interlocuteurs pour travailler sur les enjeux territoriaux et penser son évolution. Nous avons un rôle d’animation des dynamiques territoriales : médiation, mise en lien des acteurs et développement de nouvelles activités et services. Nous devons repenser l’organisation interne des collectivités territoriales vers plus de transversalité, sortir du fonctionnement « en silo » [compartimenté par spécialisation, NDLR] pour penser des politiques dans une vision globale, au service du territoire.