Mutualité : « Susciter l’envie de s’engager »

Pour Stéphanie Soares, la Mutualité doit réaffirmer et moderniser son rôle social.

Jean-Philippe Milesy  • 14 février 2019 abonné·es
Mutualité : « Susciter l’envie de s’engager »
© crédit photo : RICCARDO MILANI / HANS LUCAS

Si nous associons aujourd’hui les mutuelles en premier lieu à la santé, elles ont œuvré et œuvrent encore dans de multiples domaines. Stéphanie Soares explique ici comment élargir les champs d’intervention de la Mutualité.

Comment en finir avec la conception du « mutualiste-client » et revenir à l’idée d’adhérent pleinement partie prenante de sa mutuelle ?

Stéphanie Soares : C’est là un vrai défi pour les mutuelles. Nous avons deux leviers pour agir. Tout d’abord, ce que nos mutuelles font pour les adhérents, à savoir un accès à des soins de qualité sur tout le territoire, et une protection contre les accidents de la vie. Ensuite, ce que nos adhérents peuvent faire eux-mêmes pour l’ensemble des adhérents, parce que les mutuelles sont le point de rencontre de femmes et d’hommes qui ont un message à porter et des combats à mener : à nous d’accompagner leur dynamique, de les aider à développer leurs projets.

Il nous faut toujours mieux communiquer auprès de nos adhérents sur ces leviers, mais aussi valoriser nos axes de différenciation. Nous devons sans cesse démontrer que, sur les questions de démocratie et de solidarité comme sur d’autres sujets plus sociétaux, les mutuelles ont un véritable rôle à jouer. Soit en intervenant directement, soit en faisant se rencontrer les adhérents pour faire ensemble ce qu’il est impossible de faire seul.

Dans une contrainte concurrentielle de plus en plus forte, la Mutualité pourra-t-elle perdurer sans une affirmation de ses spécificités solidaires et démocratiques, portée par de nouveaux réseaux militants ?

La solidarité est au cœur de notre modèle, elle est inscrite dans notre objet social : « Les mutuelles mènent une action de prévoyance, de solidarité et d’entraide, afin de contribuer au développement culturel, moral, intellectuel et physique de leurs membres et à l’amélioration de leurs conditions de vie. » Nous sommes certes des assureurs, mais pas des assureurs comme les autres. Nous nous engageons aux côtés de nos adhérents en tant que « compagnons de vie ». Il nous faut le répéter.

Nos militants sont le meilleur relais auprès de nos adhérents. Il est donc évident que la question de l’engagement et de sa pérennité au sein des organisations militantes est de plus en plus prégnante. Des initiatives sont mises en place dans les mutuelles pour retisser des liens entre les adhérents. Leur donner envie d’aller au-delà du statut de simples consommateurs en s’investissant durablement ou non dans des projets locaux ou nationaux qui ont du sens, qui apportent du concret.

L’utilisation d’outils numériques innovants doit nous permettre de susciter et de démultiplier l’engagement mais aussi de constituer de nouvelles communautés militantes. De nombreuses mutuelles se sont dirigées vers cette voie. Je suis convaincue que les viviers militants pourront se renouveler et s’ouvrir à de nouveaux profils si nous parvenons à être perçus comme des contributeurs à l’épanouissement personnel. La modernisation et la réaffirmation du rôle social de nos organisations passent donc par la recherche de ce qui peut susciter l’envie de s’engager.

Le développement des inégalités et des précarités, la dissolution des liens sociaux et des instances de la société civile n’exigent-ils pas de la Mutualité française un élargissement de ses champs d’intervention, et notamment un travail d’éducation populaire pour défendre la notion de solidarité ?

Notre objet social ne connaît pas de limites tant que nous sommes au service des adhérents. Depuis leur origine, les mutuelles ont eu pour objet de satisfaire les besoins sociaux des populations, au premier rang desquels nous avons aujourd’hui la santé. Mais il y a et il y a eu des mutuelles pour le logement, l’alimentation (boulangeries mutualistes) ou de développement économique. C’est dans ce cadre que la Mutualité doit agir pour la solidarité. Le travail d’éducation populaire est clairement un vecteur d’intervention. Au quotidien, nous œuvrons dans ce sens avec nos militants. Au sein de la Mutualité, nous ne sommes pas que des consommateurs mais des producteurs d’idées, de convictions et de solidarité. Autrement dit, comme d’autres acteurs de l’ESS, nous sommes un moyen d’accompagner les citoyens, de leur permettre de s’investir, de s’épanouir. Nous pouvons leur donner le pouvoir d’agir sur leur quotidien mais aussi contribuer à la transformation sociale.

Stéphanie Soares est déléguée à l’animation de la Fédération nationale de la Mutualité française (FNMF).

Économie
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