« Tout ce qu’il me reste de la révolution » : La politique du rire
Dans Tout ce qu’il me reste de la révolution, Judith Davis met en scène une jeune femme qui bute sur la manière de changer le monde.
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Angèle (Judith Davis) est urbaniste. Changer la ville, n’est-ce pas changer la vie ? Angèle est en rogne contre le monde tel qu’il ne va pas bien et voudrait le transformer. Dans les premières séquences de Tout ce qu’il me reste de la révolution, on la voit marcher ou se déplacer à vélo dans Paris, mais elle n’est jamais à l’endroit adéquat ni dans le bon couloir. Littéralement, la jeune femme est « à côté ». Au bureau d’études où on envisageait de l’embaucher, on la met même dehors, avec des arguments de gauche et bien-pensants. Angèle riposte par une longue tirade saignante et finalement drolatique, que le Nanni Moretti des débuts n’aurait pas reniée.
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Angèle fait partie de ces jeunes intellos précaires, l’âme militante sans trop savoir comment s’y prendre ni par où commencer. Mai 68 la fascine, en même temps qu’il l’empêche. Elle est revenue vivre chez son père, Simon (Simon Bakhouche), resté fidèle à sa propre jeunesse. Intègre, il n’a pas bougé de la cité où il vit depuis toujours. Tandis que son autre fille, la sœur d’Angèle, Noutka (Mélanie Bestel), a choisi une vie bourgeoise, avec enfants et mari, Stéphane (Nadir Legrand), un manager d’entreprise pressuré.
Tout ce qu’il me reste de la révolution n’a rien de nostalgique. Au contraire, c’est un film d’apprentissage très contemporain. Un film qui prend en charge le comment, alors qu’Angèle ne cesse de répéter « pourquoi ? » (comme une petite fille dans Ici et ailleurs, de Jean-Luc Godard, à qui la mère répond, comme Noutka à sa sœur : « Arrête de toujours poser la question du pourquoi ! »).
Comment de nouveau se parler dans un monde sourd et au langage stéréotypé ? Avec quelques chômeurs, Angèle et son amie Léonor (Claire Dumas) créent un groupe de parole dans une école primaire pour redéfinir le sens premier des mots et des choses. Comment retrouver l’équilibre dans un monde où, quand il s’agit d’être sur des rails, Angèle se casse la figure, au propre comme au figuré ? Grâce à un amoureux (Malik Zidi) beaucoup plus libéré et aérien. Grâce à des retrouvailles avec sa mère (Mireille Perrier), apaisée et apaisante.
Dans Tout ce qu’il me reste de la révolution, le burlesque politise le réel (il n’a rien de naturel puisqu’on bute dessus), et les corps en souffrance enflamment la parole. Voici un geste artistique volontaire et déjà libre (pour un premier film), sérieux et hilarant. Pour la révolution, on ne sait pas. Mais si tout ce qui nous reste du cinéma, c’est ce film-là, alors on est d’accord !
Tout ce qu’il me reste de la révolution, Judith Davis, 1 h 28.