Un autre patronat est possible !

Tribune. Pour Jean-Claude Tufferi, président du Groupement des organismes employeurs de l’économie sociale (GOEES), l’ESS doit résister à l’appel du Medef.

Jean-Claude Tufferi  • 14 février 2019
Partager :
Un autre patronat est possible !
photo : les salariés de Scop-TI.
© BORIS HORVAT / AFP

Se dire « patrons » lors de réunions contre la loi El Khomri ou s’afficher comme tels contre les ordonnances Macron-Pénicaud ne relève pas du paradoxe pour les adhérents du GOEES. Ceux-ci sont des dirigeants de comités d’entreprise, d’associations, de coopératives ou de mutuelles qui veulent assumer en conscience et en cohérence leur statut d’employeurs de l’économie sociale et solidaire.

Conscience, car nous ne pouvons nous réclamer d’un « entreprendre autrement » et perpétuer les formes de management libéral que l’on retrouve dans les entreprises « ordinaires ». Nous ne pouvons réclamer de la démocratie et de la solidarité, et ne pas considérer les salariés comme parties pleinement prenantes de celles-ci. Il est vrai que beaucoup de nos adhérents sont issus du monde syndical ouvrier – cela nous est parfois reproché par d’autres groupements employeurs –, mais ce n’est pas en soi une garantie : ne dit-on pas que les cordonniers sont parfois les plus mal chaussés ? On peut combattre un système tout en en reproduisant, en situation, les comportements incriminés ! C’est une partie du travail de notre groupement que de travailler à cette conscience nécessaire qu’une autre conduite des entreprises est possible, et nous cherchons à contribuer, sans y parvenir parfois, à l’émergence d’autres rapports sociaux.

Cohérence, car, employeurs de l’économie sociale, nous savons que nos adhérents, nos militants, nos publics sont essentiellement des salariés. Notre position d’employeurs, nous l’assumons pleinement. Nous avons reçu mandat de gérer nos entreprises et d’en garantir la qualité d’intervention et la pérennité. Nous prenons les décisions, et parfois celles-ci nous sont difficiles. Employeurs/syndicalistes : c’est une contradiction apparente que nous devons gérer au quotidien. Nous le faisons en toute responsabilité. Pour autant, nous ne nous situons pas « en surplomb », et les luttes des salariés sont nos luttes. En cela, nous avons pu nous opposer à d’autres groupements d’employeurs qui, ne considérant plus que leur quête de reconnaissance au sein d’un monde patronal dominé par le Medef, ont été amenés à prendre des positions allant à l’encontre des intérêts de ceux qui sont en réalité leurs mandants.

Le GOEES sera de toutes les batailles pour la sauvegarde d’une ESS forte, c’est-à-dire pleinement sociale et solidaire. Ce que nous percevons des projets du gouvernement et de son haut-commissaire nous inquiète profondément. Le glissement vers un « entrepreneuriat social » indéfini, vers une perte d’autonomie de l’ESS à travers le rêve de « Medess » de Christophe Itier, ne nous convient pas. Nous constatons avec plaisir que les grands dirigeants de l’ESS, souvent plus dociles, se rebiffent. Au-delà des divergences qui peuvent demeurer, le GOEES sera résolument à leurs côtés.

Face à la crise récemment ouverte, nous réaffirmons avec force notre engagement pour une autre société répondant aux besoins du plus grand nombre par une économie citoyenne. Au-delà des mots, cela passe par des initiatives et des actions au quotidien, et nous invitons en permanence ceux qui partagent nos valeurs à s’y associer. Une ESS unie et rassemblée est le seul moyen de remettre en cause les choix de nos gouvernants.

Économie
Temps de lecture : 3 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Agriculteurs : vivre ou nourrir, faut-il choisir ?
Économie 4 décembre 2024 abonné·es

Agriculteurs : vivre ou nourrir, faut-il choisir ?

Au cœur de la détresse des exploitants : la rémunération globalement bien trop faible, en dépit de fortes disparités. La question, pourtant, peine à faire l’objet de véritables négociations et à émerger dans le débat public.
Par Vanina Delmas
Liquidation de Fret SNCF : les syndicats préparent la riposte
Transport 5 novembre 2024 abonné·es

Liquidation de Fret SNCF : les syndicats préparent la riposte

Après l’annonce de la liquidation, au 1er janvier 2025, de Fret SNCF, les syndicats de cheminots unis ont été reçus par la direction ce 5 novembre. Ils déplorent un passage en force et annoncent une « fin d’année très conflictuelle ». Première journée de grève prévue le 21 novembre.
Par Pierre Jequier-Zalc
Budget 2025 : quand la gauche rafle la mise… en vain ?
Budget 4 novembre 2024 abonné·es

Budget 2025 : quand la gauche rafle la mise… en vain ?

Depuis trois semaines, le Nouveau Front populaire enchaîne les victoires sociales et écologiques dans un hémicycle clairsemé. Au point que la copie actuelle du budget serait, selon Éric Coquerel, « NFP-compatible ». Jusqu’au 49.3 ?
Par Lucas Sarafian
Les 10 scandales du budget Barnier
Budget 15 octobre 2024 abonné·es

Les 10 scandales du budget Barnier

Le budget 2025 se présente comme l’un des plus austéritaires depuis des décennies. En refusant de tirer un trait sur la politique de l’offre, il abrite de nombreuses mesures injustes qui risquent d’accroître plus encore les inégalités sociales et écologiques.
Par Pierre Jequier-Zalc