Un autre patronat est possible !
Tribune. Pour Jean-Claude Tufferi, président du Groupement des organismes employeurs de l’économie sociale (GOEES), l’ESS doit résister à l’appel du Medef.
dans HS N° 69 Acheter ce numéro
Se dire « patrons » lors de réunions contre la loi El Khomri ou s’afficher comme tels contre les ordonnances Macron-Pénicaud ne relève pas du paradoxe pour les adhérents du GOEES. Ceux-ci sont des dirigeants de comités d’entreprise, d’associations, de coopératives ou de mutuelles qui veulent assumer en conscience et en cohérence leur statut d’employeurs de l’économie sociale et solidaire.
Conscience, car nous ne pouvons nous réclamer d’un « entreprendre autrement » et perpétuer les formes de management libéral que l’on retrouve dans les entreprises « ordinaires ». Nous ne pouvons réclamer de la démocratie et de la solidarité, et ne pas considérer les salariés comme parties pleinement prenantes de celles-ci. Il est vrai que beaucoup de nos adhérents sont issus du monde syndical ouvrier – cela nous est parfois reproché par d’autres groupements employeurs –, mais ce n’est pas en soi une garantie : ne dit-on pas que les cordonniers sont parfois les plus mal chaussés ? On peut combattre un système tout en en reproduisant, en situation, les comportements incriminés ! C’est une partie du travail de notre groupement que de travailler à cette conscience nécessaire qu’une autre conduite des entreprises est possible, et nous cherchons à contribuer, sans y parvenir parfois, à l’émergence d’autres rapports sociaux.
Cohérence, car, employeurs de l’économie sociale, nous savons que nos adhérents, nos militants, nos publics sont essentiellement des salariés. Notre position d’employeurs, nous l’assumons pleinement. Nous avons reçu mandat de gérer nos entreprises et d’en garantir la qualité d’intervention et la pérennité. Nous prenons les décisions, et parfois celles-ci nous sont difficiles. Employeurs/syndicalistes : c’est une contradiction apparente que nous devons gérer au quotidien. Nous le faisons en toute responsabilité. Pour autant, nous ne nous situons pas « en surplomb », et les luttes des salariés sont nos luttes. En cela, nous avons pu nous opposer à d’autres groupements d’employeurs qui, ne considérant plus que leur quête de reconnaissance au sein d’un monde patronal dominé par le Medef, ont été amenés à prendre des positions allant à l’encontre des intérêts de ceux qui sont en réalité leurs mandants.
Le GOEES sera de toutes les batailles pour la sauvegarde d’une ESS forte, c’est-à-dire pleinement sociale et solidaire. Ce que nous percevons des projets du gouvernement et de son haut-commissaire nous inquiète profondément. Le glissement vers un « entrepreneuriat social » indéfini, vers une perte d’autonomie de l’ESS à travers le rêve de « Medess » de Christophe Itier, ne nous convient pas. Nous constatons avec plaisir que les grands dirigeants de l’ESS, souvent plus dociles, se rebiffent. Au-delà des divergences qui peuvent demeurer, le GOEES sera résolument à leurs côtés.
Face à la crise récemment ouverte, nous réaffirmons avec force notre engagement pour une autre société répondant aux besoins du plus grand nombre par une économie citoyenne. Au-delà des mots, cela passe par des initiatives et des actions au quotidien, et nous invitons en permanence ceux qui partagent nos valeurs à s’y associer. Une ESS unie et rassemblée est le seul moyen de remettre en cause les choix de nos gouvernants.
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