Valence en jaune, en masse et dans le calme
La ville était en état quasi insurrectionnel avant la manifestation de gilets jaunes du 2 février.
dans l’hebdo N° 1539 Acheter ce numéro
Panique à Valence : la ville était en état quasi insurrectionnel avant la manifestation de gilets jaunes du 2 février. Les autorités se préparaient à accueillir entre 6 000 et 10 000 mobilisés, ce qui aurait fait de l’événement le plus grand rassemblement de gilets jaunes en région. Lyon Capitale annonçait des « mesures de sécurité exceptionnelles ». La ville « se barricade », résumait un reportage de Soir 3. Le Dauphiné libéré redoutait un « samedi noir » avec un potentiel de « 1 000 casseurs ». Marchés annulés, établissements publics et commerces fermés, transports suspendus, mobilier urbain démonté : la perspective de l’acte 12 faisait trembler dans ce chef-lieu de la Drôme. Après la visite surprise de Macron, le 24 janvier, le groupe Facebook local de gilets jaunes avait explosé.
Finalement, les autorités ont recensé 5 400 manifestants. Huit personnes ont été placées en garde à vue, dont six remises en liberté dans la journée. La manifestation a été « hallucinante », résume Jean-Marie, militant NPA qui participait à son sixième rassemblement de gilets jaunes. « En suivant le parcours habituel, quoique non autorisé cette fois, nous avons traversé une ville morte, tous les commerces fermés, leurs vitrines protégées par des panneaux de bois. Ceux-ci ont été d’excellents supports pour l’expression libre, ironise-t-il (1). La palme revient à ce tag à l’adresse du maire de Valence : “Désolé Daragon, on a oublié de tout casser.” »
Jacqueline, bénévole à l’Asti, association de solidarité avec tous les immigrés, témoigne : « Des gens venus de -Clermont-Ferrand ou d’Annecy avec des drapeaux blancs – symbole de paix – ; d’Ardèche, avec un superbe étendard où une chèvre côtoie le drapeau français ; de Lyon, avec un immense Guignol, ou ce char énorme présenté comme “notre Golem, le géant des gilets jaunes” ; et ces musiciens qui ont joyeusement battu du tambour sous la pluie froide… Voilà toute la foule haineuse dont nous parle Macron ! »
« Beaucoup de jeunes, de femmes, des visages graves, rieurs, dégoulinants de pluie, entortillés dans des écharpes », décrit encore Françoise, de la Marche mondiale des femmes, 70 ans, pour sa première manifestation avec les gilets jaunes. Quand des gaz lacrymogènes ont été lancés pour disperser les manifestants aux abords de la préfecture, elle a « couru avec les autres » et s’est « faufilée entre les hommes en bleu bardés d’engins de guerre ».
Jacqueline reconnaît n’avoir jamais autant parlé à des militaires. « C’est aussi ça, les manifs gilets jaunes, l’idée d’un “nous” inconnu et désiré à reconstruire complètement. »
(1) Tous ces témoignages sont à retrouver en intégralité sur politis.fr