Bons camarades
Sous l’égide de Thomas Pitiot, quatorze artistes revisitent les chansons de Jean Ferrat.
dans l’hebdo N° 1546 Acheter ce numéro
Pas d’anniversaire. Pas de superstars. C’est un album pour le plaisir concocté par Thomas Pitiot avec des chanteurs et des musiciens chez qui Jean Ferrat a laissé une empreinte et qui, en retour, laissent leur empreinte sur des morceaux choisis du chanteur. L’idée avait germé en 2014 avec un spectacle collectif autour de l’œuvre de l’artiste mort en 2010. Devant « l’accueil chaleureux du public », désireux d’une prolongation enregistrée, le projet est devenu un disque qui s’achève par un tutti à quatorze voix sur « Camarade ».
Thomas Pitiot, môme d’Aubervilliers fondateur de l’association Aubercail et du festival de chanson éponyme, reprend « Ma France », le drapeau moins victorieux que la gorge nouée : « Cet air de liberté au-delà des frontières / Aux peuples étrangers qui donnait le vertige ». « La Montagne », c’est le chanteur et contrebassiste Imbert Imbert qui en donne une interprétation joliment minimaliste et rythmée. Le rappeur Tedji s’empare du « Bruit des bottes ». La chanteuse lyrique Valeria Altaver renverse « Horizontalement ». « Ma Môme » zouke joyeusement dans son usine de Créteil sous la voix de Mao Sidibé, figure du hip-hop sénégalais. Et c’est une femme à la peau noire née au jazz biguine à Pointe-à-Pitre qui chante « La femme est l’avenir de l’homme » : Florence Naprix insuffle des accents soul caribéens à la raison du poète.
Pluriel de formes et d’esthétiques pour une mosaïque Ferrat antisystème. Les arrangements, d’abord pensés pour des concerts et une tournée, ont été étoffés pour l’enregistrement studio dans l’idée de trouver un son de groupe conservant un côté « live », l’accordéon de Viviane Arnoux en fil rouge. L’hommage a des allures d’expérience humaine et musicale avec des découvertes et des redécouvertes à la clé, portées par des réinterprétations soigneusement personnalisées.
C’est un joli nom, camarade. L’empreinte Ferrat, L’Océan Nomade.