La frontière tue
La frontière tue les hommes, les droits, la liberté mais rarement l’espoir. Quand une porte d’entrée se ferme, une autre s’ouvre ailleurs. Des violences frontalières devenues ordinaires pour certains, et pour d’autres, un terreau de solidarité.
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En avril 2015, une liste de 100 mètres de long, énumérant 17 306 noms, était déployée sur le sol du Parlement européen, obligeant les députés à marcher dessus pour entrer. 17 306 noms, 17 306 hommes, femmes et enfants morts entre 1990 et 2012, essentiellement en mer, en essayant d’atteindre l’Europe. Vaine tentative du collectif Pour une autre politique migratoire de faire prendre conscience de la funeste réalité aux dirigeants européens. « Les politiques actuelles ont érigé la mort à la frontière comme un spectre planant sur chaque migrant tentant d’entrer en Europe », résument l’anthropologue Michel Agier et le collectif Babels dans le livre La Mort aux frontières de l’Europe (éd. Le passager clandestin, 2017). Dans sa tribune du 4 mars, Emmanuel Macron affirme avec emphase : « La frontière, c’est la liberté en sécurité. »
Mais pour qui ? En 2015, la France a rétabli les contrôles à ses frontières intérieures. Le sécuritaire a anéanti l’humanitaire. De Calais à Hendaye, en passant par Ouistreham, Briançon ou Menton, l’Hexagone verrouille ses accès, quitte à créer des zones de non-droit. La frontière tue les hommes, les droits, la liberté mais rarement l’espoir. Quand une porte d’entrée se ferme, une autre s’ouvre ailleurs. Malheureusement, la dangerosité de cette nouvelle voie n’a d’égale que la puissance de la répression policière, qui ressemble souvent à une véritable chasse aux migrants. Des violences frontalières devenues ordinaires pour certains, et pour d’autres, un terreau de solidarité envers ces milliers d’hommes, de femmes, d’enfants exilés. Car les accueillir, les soigner, les accompagner mais aussi redonner une identité aux défunts apparaissent comme des actes de résistance contre leur déshumanisation.
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