La Marche du siècle réussit son pari et impose le tempo
Des centaines de milliers de personnes ont défilé dans 220 villes françaises, en convergeant avec l’acte XVIII des gilets jaunes, pour exiger un nouveau système conciliant écologie et justice sociale.
Baptisée « Marche du siècle » par les organisateurs, cette manifestation devait tenir les promesses de son ambition. Pour les milliers de participants, c’est un succès. À Paris, le cortège Urgence pour la justice climatique et sociale a réussi la convergence des luttes entre gilets verts et gilets jaunes. « L’idée pour ce 16 mars est de durcir le rapport de force face à ce gouvernement qui reste sourd à tous les mouvements. Ils ont voulu diviser écolos et gilets jaunes, mais nous combattons tous le même système », résume Élodie Nace, militante d’Alternatiba et ANV-COP21. « Regarde ta Rolex, c’est l’heure de la révolte ! », ironise une pancarte fièrement brandie par un groupe de jeunes.
La place de l’Opéra, noire de monde, a été rebaptisée « Impasse du réchauffement climatique ». Entraînée par le son electro du camion de la Rave pour le climat, la marée humaine s’élance vers la place de la République, en continuant de scander les slogans désormais connus de tous : « Et 1, et 2, et 3 degrés. C’est un crime, contre l’humanité ! » ou « On est plus chauds que le climat ! » Toutes les générations défilent joyeusement et avec une détermination sans faille.
Dans cette marche climat, le jaune n’est pas que sur les gilets. Nombreux sont les manifestants à brandir des jonquilles ou du mimosa. Comme Hervé, 68 ans, qui vit à Paris aujourd’hui, mais a passé de nombreuses années à Bar-le-Duc (Meuse). « C’est là-bas que j’ai vraiment pris conscience des inégalités sociales, de l’importance de la justice climatique et sociale. L’industrie du nucléaire a profité de ce désert rural pour s’imposer partout ! », s’exclame-t-il, en référence notamment au projet d’enfouissement des déchets nucléaire Cigéo, à Bure.
Acte XVIII des gilets jaunes
Ce 16 mars était aussi l’acte XVIII des gilets jaunes, dont plusieurs milliers étaient rassemblés dans la capitale. À midi, les minutes s’écoulent et la foule gonfle. « Il est lacrymo moins vingt », badine un gilet jaune. Les Champs-Élysées recrachent des panaches noirs, les affrontements entre policiers et manifestants ont rapidement gagné en intensité. Canons à eau et gaz incapacitant trouvent immédiatement leur réplique. Plusieurs groupes bien équipés, banderoles renforcées en tête, courent gagner l’affrontement. Les gilets dessinent devant eux un couloir et les honorent d’une « hola ». Plus à l’arrière, des feux de palettes débutent, des badauds s’y agglutinent pour discuter. Mais la répression policière gagne du terrain, les rejoint, il faut partir.
La « plus belle avenue du monde » se vide alors de ses « intrus ». Rapidement, les contestataires se font repousser dans les rues adjacentes. Un kilomètre plus loin, une autre mobilisation se forme à Madeleine. La Marche des solidarités contre les violences policières rassemble presque 5 000 personnes. Des gilets jaunes, accueillis chaleureusement, trouvent refuge dans le cortège après avoir été repoussés par la police.
Le top est donné. Les manifestants contre le racisme d’État s’élancent puis s’arrêtent. Une minute de silence s’observe et se respecte pour les victimes des attentats de Christchurch, en Nouvelle-Zélande, l’accent est donné pour les gilets jaunes. Le défilé rejoint alors la Marche du siècle, et grossit encore de quelques gilets « amenés » par les forces de l’ordre. Mais les nouveaux venus restent indifférents au cortège : tous ont les Champs-Élysées au bout des lèvres, au bout des pieds.
Des marches dans 220 villes françaises
La vague verte et jaune a atteint les 107 000 personnes à Paris, selon les organisateurs, et plus de 350 000 manifestants dans 220 villes de France. À Anglet (Pyrénées-Atlantiques), un tas de cadres de vélo à été déposé devant l’hôtel de ville pour dénoncer l’absence d’aménagement cyclable lors de la rénovation urbaine, à l’initiative du maire, également président du syndicat des mobilités Pays Basque-Adour. À Grenoble, un die-in par 20 000 personnes a fait sensation. À Saint-Denis (La Réunion), 300 personnes ont marché pour le climat et de nombreux slogans ciblaient le chantier de la Nouvelle route du littoral qui doit être terminée pour 2022.
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La mobilisation pour le climat avait déjà connu succès la veille, vendredi 15 mars, avec la grève mondiale pour le climat, suivie par plus plus de 160 000 jeunes dans 200 villes françaises, dans le cadre des « Fridays for future » initiés par la Suédoise Greta Thunberg, et désormais imitée dans 120 pays dans le monde. Après la Marche du siècle de ce 16 mars, un nouveau rendez-vous est donné dans un mois, le 19 avril pour une action de désobéissance civile intitulée : « Ensemble, bloquons la République des pollueurs ! »
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