Le dur désir de danser
Maguy Marin, l’urgence d’agir éclaire le cheminement d’une chorégraphe majeure vue à travers le regard de son fils.
dans l’hebdo N° 1543 Acheter ce numéro
En activité depuis les années 1970, d’abord en tant que danseuse puis (surtout) en tant que chorégraphe, Maguy Marin compte parmi les figures les plus importantes de la danse contemporaine en France. Jalonné de nombreuses pièces, son parcours témoigne d’un engagement – à la fois artistique et politique – sans faille. Alternant en un montage très dynamique entretiens (avec la chorégraphe et divers proches), extraits de pièces et autres images d’archives, Maguy Marin, l’urgence d’agir met en exergue les principales étapes de la vie de la chorégraphe et les grands axes de sa démarche créatrice.
Née en 1951 à Toulouse, Maguy Marin est la fille d’émigrés espagnols qui ont fui le franquisme en 1939 lors de la « retirada », sa mère étant morte durant le tournage du film, en janvier 2018, à l’âge de 100 ans. Quant à son père, elle le décrit comme un homme dominateur – à l’instar de la plupart de ceux qui ont croisé son chemin. Après s’être formée à l’école de danse Mudra, créée par Maurice Béjart à Bruxelles, et avoir dansé au sein de la compagnie de Béjart, elle conçoit ses propres chorégraphies à partir de la seconde moitié des années 1970.
Très empreinte de théâtralité, dans la lignée du Tanztheater de Pina Bausch, la danse selon Maguy Marin revêt en outre une dimension politique de plus en plus affirmée dans ses dernières pièces (par exemple Deux mille dix-sept), qui expriment une inquiétude ardente face à un monde soumis au capitalisme et au néolibéralisme. Dans le film, la chorégraphe affirme sa volonté de prise de position politique mais déclare aussi : « Je me méfie beaucoup des bonnes intentions, des miennes en particulier. »
L’une de ses premières créations, May B, traverse de manière récurrente tout le documentaire. Inspirée de l’œuvre de Samuel Beckett, cette pièce oscillant entre grotesque et tragique est devenue emblématique. Régulièrement reprise depuis sa création en 1981 (une telle longévité étant très rare), elle s’est ainsi transmise à plusieurs générations de danseurs et de spectateurs.
Notion essentielle pour Maguy Marin, la transmission apparaît également centrale dans le film, d’autant plus que l’auteur, David Mambouch, n’est autre que son fils. Celui-ci travaille depuis 2012 avec la Compagnie Maguy Marin, à la fois comme réalisateur et comme interprète. Égrenant des souvenirs et des sentiments personnels, il raconte sa propre histoire en filigrane de celle de sa mère et signe au final un (auto)portrait vif et singulier.
Maguy Marin, l’urgence d’agir, David Mambouch, 1 h 48.