« Meltem » : Identités croisées
Dans Meltem, premier film du Franco-Grec Basile Doganis, un trio d’amis français débarque sur l’île de Lesbos.
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Ce pourrait être un film de flirts de vacances avec trois post-ados : une fille, Elena (Daphné Patakia), deux garçons, Nassim (Rabah Naït Ouffela) et Sekou (Lamine Cissokho), draguant sur les plages grecques. Un tel film aurait existé il y a quinze ou vingt ans. Mais Meltem se déroule de nos jours sur l’île de Lesbos. À peine les trois amis ont-ils débarqué qu’ils s’étonnent de la présence des tentes innombrables et abris de fortune des réfugiés qui viennent de traverser la Méditerranée.
À la découverte de cette situation s’ajoute une autre donnée scénaristique : Elena n’a pas revu sa mère avant la mort de celle-ci, revenue en Grèce, son pays d’origine, après son divorce. Elle en conçoit du remords qui se manifeste, au début du film, par la volonté de couper court avec la Grèce en revendant la maison maternelle, dont elle hérite, et par voie de conséquence d’en expulser Manos (Akis Sakellariou), qui était le nouveau compagnon de sa mère.
Ainsi l’intrigue posée, le film pourrait paraître compliqué, alors qu’il noue ses différents fils avec fluidité. D’autres s’ajoutent : la rencontre d’Elyas (Karam Al Kafri, comédien non professionnel, réfugié lui-même), un jeune Syrien à la recherche de sa mère, retenue dans un camp au nord de la Grèce ; ou les sentiments que conçoit Nassim envers Elena. En fait, Meltem ressemble au propos qu’il développe : il est métissé, multiple, ses différents enjeux sont intriqués. Ce n’est pas un hasard si son réalisateur, Basile Doganis, dont c’est le premier long-métrage de fiction, est traversé par la double identité franco-grecque.
Tous les croisements se déploient ici : Nassim et Sekou, bien que déplacés dans un cadre inhabituel pour eux, ne se sont pas départis de leur façon d’être et de leur humour banlieusards. Cette tonalité comique est percutée par le drame des migrants, auquel sont directement confrontés les trois amis par l’intermédiaire d’Elyas. Enfin, sur un mode plus en demi-teinte, Elena fait doucement le deuil de sa mère et se réconcilie peu à peu avec cet univers qu’elle avait mis derrière elle, que ce soit la langue grecque, la maison désormais sienne ou l’homme qui a partagé les dernières années de sa mère.
S’il comporte quelques maladresses de débutant, Meltem n’étouffe pas sous le poids de ses thématiques pleines de gravité. C’est un film vibrant, tragique et drôle.
Meltem, Basile Doganis, 1 h 27.