1938, des échos très familiers
Le philosophe Michaël Fœssel s’est plongé dans la presse de l’année 1938. Il y a découvert une langue et des préoccupations très proches de ce que nous vivons aujourd’hui. Sans tomber dans le cliché du « retour » des années 1930.
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Ce livre est d’abord l’histoire d’une « rencontre », d’une « collision virtuelle des années » : 2018 et 1938. Le récit d’un voyage dans une époque, lointaine aux premiers égards, et si peu éloignée au fond. Car, comme le précise son auteur, Michaël Fœssel, « j’ai vu en 1938 des mots d’ordre, des réflexes de pensée, des éléments de langage qui structurent l’ordinaire de la politique française depuis longtemps ». Il retrouve, surtout, des sujets de débats politiques tout à fait familiers, outre un vocabulaire, une atmosphère et des obsessions, qui montrent « beaucoup plus qu’une assonance » entre 1938 et 2018. Philosophe « inquiet du présent », Michaël Fœssel se plonge ainsi dans la presse de l’année 1938, et « l’impression que ces deux périodes s’entrechoquent sort renforcée de la quasi-instantanéité entre l’immersion dans le passé et le retour au présent ».
Toutefois, on ne saurait ajouter ce livre à la pile (déjà trop fournie) d’ouvrages, généralement assez faibles, consacrés à ce qui est devenu un couplet attendu : celui d’un prétendu « retour » des années 1930 qui marquerait notre époque. Michaël Fœssel rappelle ainsi que « la différence des temps rend la répétition historique impossible » : si « les années 1930 furent aussi celles du music-hall », rappelle-t-il, « personne ne s’attend à voir Maurice Chevalier remonter sur la scène du Casino de Paris » ! Aussi, les événements, souvent tragiques, de l’année 1938 dans laquelle Michaël Fœssel s’immerge littéralement, ne sont pas pour lui la source d’une vague explication de notre époque, mais lui permettent de s’interroger sur « ce qui a rendu possible, donc sur l’essence » de l’époque. La vraie question pour l’auteur n’est pas de savoir si les années 1930 pourraient « revenir », mais plutôt « de quoi sont-elles la manifestation, et en avons-nous définitivement fini avec cela ? » Car sa lecture systématique des journaux de l’année 1938 s’opère en prenant garde à ne pas les lire avec les yeux de celui qui connaît « la suite », la débâcle française de 1940, la Seconde Guerre mondiale, la Shoah…
Or, 1938 est l’année de l’enterrement des conquêtes du Front populaire, de répressions féroces et de criminalisation des mouvements sociaux, et de mesures iniques contre les étrangers (dont de nombreux réfugiés d’États totalitaires) avec la création des premiers camps. Et Michaël Fœssel d’affirmer qu’il décèle, à travers ses lectures, « une société qui, sans rien savoir de ce qui l’attendait, avait déjà abdiqué sur l’essentiel ». Non sans nous mettre en garde : « Le détour par 1938 permet de voir en accéléré une démocratie qui prétend se défendre en empruntant les armes de ses adversaires les plus acharnés. »
Récidive. 1938, Michaël Fœssel, PUF, 180 pages, 15 euros.