Baisse d’impôts contre justice fiscale et climatique
L’objectif du gouvernement est de financer la baisse des impôts par une diminution des dépenses.
dans l’hebdo N° 1550 Acheter ce numéro
La principale conclusion tirée par Édouard Philippe du « grand débat » est que la préoccupation majeure des Français·e·s est le niveau excessif des impôts. Selon le Premier ministre, la société serait paralysée par des prélèvements obligatoires exorbitants. L’objectif prioritaire du gouvernement doit donc être de baisser les impôts. C’est là une interprétation pour le moins biaisée ! En réalité, les multiples débats « off », non contrôlés par le pouvoir politique, ont d’abord mis en avant la justice fiscale, c’est-à-dire la répartition inégalitaire des impôts, et non leur niveau excessif. La position de Macron et Philippe est sous-tendue par une vision idéologique (néolibérale) selon laquelle l’impôt et les cotisations sociales sont d’abord une charge pour les entreprises et les particuliers qui – en tant que telle – doit être réduite au maximum (c’est l’optimisation fiscale). Selon cette vision, la baisse de l’impôt amène une augmentation des revenus et des profits qui stimulera l’investissement et l’emploi. Cette vision est contredite par les faits, comme le montre le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), instauré sous le quinquennat Hollande. Pérennisé par Macron, le CICE représente une baisse des charges fiscales et sociales des entreprises de 42 milliards d’euros en 2019, qui augmente d’autant le déficit public. Selon les rapports du comité d’experts chargé d’évaluer le CICE, ce cadeau a pour effet d’augmenter leurs profits, mais n’a pas d’impact significatif sur l’investissement, les exportations et l’emploi.
Si l’on en croit les premières annonces fuitées (1), les baisses d’impôts préparées par le gouvernement n’auront pas d’impact important sur les inégalités fiscales. L’ISF ne sera pas rétabli, la flat tax sera maintenue. La mesure phare concernera l’impôt sur le revenu (IR), avec la création de deux nouvelles tranches à l’entrée pour les revenus moyens. L’effet redistributif sera faible, car l’IR n’est payé que par 43 % des ménages, et aucune tranche supérieure nouvelle n’est créée sur les hauts revenus.
En réalité, l’objectif du gouvernement est de financer la baisse des impôts par une diminution des dépenses publiques. Ce qui viendra en contradiction avec une revendication des gilets jaunes : le développement des services publics de proximité. La parade qui sera annoncée est un moratoire sur les fermetures d’écoles et d’hôpitaux d’ici à la fin du quinquennat. Mais, « en même temps », le gouvernement maintient son objectif de suppression de 120 000 postes de fonctionnaires d’ici à 2022. La dégradation des services publics va donc se poursuivre.
Apparemment, le Président ne proposera aucune avancée majeure pour la transition énergétique et la lutte contre le réchauffement climatique. Sous la pression des lobbys de l’énergie pour maintenir le recours aux énergies fossiles et nucléaire, et de la Commission européenne pour limiter les dépenses et les déficits publics, Jupiter n’a pas le courage politique de rompre avec sa politique inefficace des petits pas, au détriment de la justice sociale et climatique.
(1) Au moment où cette chronique est écrite, les mesures n’ont pas encore été présentées.
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