« Bien au contraire »…

Gérald Darmanin, ministre des Comptes publics d’Emmanuel Macron, vient de faire, dans Le Journal du dimanche, cette déclaration – parmi d’autres tout aussi étonnantes mais que les journalistes qui les recueillaient religieusement n’ont bien sûr pas contestées : « L’impôt sur la fortune (ISF) est un impôt absurde, purement idéologique, […] qui n’a jamais contribué à faire baisser le chômage – bien au contraire. »

On manque – hélas – de place, dans l’espace exigu de ces deux minuscules feuillets, pour dire tout ce qu’il y a de profondément burlesque dans chaque mot de cette protestation.

Mais il faut concéder à M. Darmanin que son assertion selon laquelle l’ISF n’a jamais contribué à faire baisser le chômage (1) n’est sans doute pas complètement fausse (2). Et il y a à cela une explication relativement simple, qui est que jamais (au grand jamais) les impôts, quels qu’ils soient, et contrairement à ce que suggère (et soutient) donc là cet audacieux ministre, n’ont eu pour fonction première de faire baisser le chômage : ils contribuaient, avant que les droites (assumées ou « socialistes ») ne présentent leur « baisse » comme l’alpha et l’oméga de l’exercice du pouvoir, au financement des sécurités (et des solidarités) sociales (3) et des services publics – plutôt qu’à sponsoriser toujours plus d’allègements des charges patronales.

Au demeurant, si vraiment M. Darmanin avait le souci de faire reculer l’inemploi, il pourrait, par exemple, militer un peu activement pour le rétablissement de l’autorisation administrative de licenciement, qui fut supprimée en 1986. Mais il préfère trompeter que son gouvernement a « allég[é] l’impôt sur les sociétés » et « accepté de ne pas renouveler 120 000 postes de fonctionnaires d’ici à 2022 » : sans doute escompte-t-il que personne ne s’avisera de ce que ces choix absurdes et purement idéologiques n’ont jamais fait baisser le chômage – bien au contraire.

(1) Sa suggestion que l’ISF aurait plutôt contribué à une hausse du chômage est, quant à elle, indiciblement délirante.

(2) Cela vaut d’être souligné, car il arrive, ces temps-ci, que les ministres d’Emmanuel Macron se montrent moins véristes : Christophe Castaner, titulaire du portefeuille de l’Intérieur, vient ainsi, et juste après qu’un policier venait d’être filmé en train de matraquer à la tête un gilet jaune qui manifestait pacifiquement à Besançon, de proclamer, avec l’impressionnante impavidité de qui s’est complètement émancipé de toute allégeance à la réalité des faits, qu’il n’y avait là aucune « image de violence policière ».

(3) Où chacun·e contribuait selon ses moyens, et les riches, par conséquent, un peu plus que les pauvres – raison pour laquelle nous autres, qui sommes resté·e·s un peu à gauche, les payions (et continuons à nous en acquitter) d’enthousiasme, enivré·e·s par la perspective qu’ils aident éventuellement à soulager un peu la détresse des plus démuni·e·s.