Marie-Hélène Bourlard en rouge et Nord
Propulsée dans la lumière par le film Merci Patron !, de François Ruffin, l’ancienne syndicaliste CGT est numéro 2 de la liste du PCF pour les européennes. Aussi au nom des gilets jaunes.
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Le PCF le martèle : si elle est élue, elle sera la première ouvrière française à faire son entrée au Parlement européen. Un défi de taille pour Marie-Hélène Bourlard, retraitée du textile et numéro 2 de la liste pour les européennes de mai. Novice en politique, elle n’en est pourtant pas à son coup d’essai en matière de luttes sociales. Révélée au public par le film de François Ruffin Merci patron !, elle est depuis 42 ans déléguée syndicale à la CGT. Tête de proue de la lutte contre les délocalisations, elle est une figure populaire dans les Hauts-de-France.
Née en 1957 au Quesnoy (Nord), Marie-Hélène Bourlard est une enfant bagarreuse mais bonne élève. « J’ai le certificat d’études », précise-t-elle. Elle quitte l’école à contrecœur à 16 ans, à la suite du décès de son père, ouvrier dans la métallurgie, et entre, elle aussi, à l’usine. Premiers pas dans le monde du travail, mais aussi premiers combats. La jeune femme, que rien ne prédestinait à une vocation syndicale – « on ne parlait pas de politique à la maison » –, attrape le virus dès le départ. « La semaine où je suis arrivée, il y avait une grève à cause de la chaleur. Les filles demandaient des climatiseurs, des ventilateurs… eh bien j’ai fait grève aussi ! »
À l’usine Bidermann, qui produisait des costumes Pierre Cardin, Marie-Hélène Bourlard est presseuse. De cette époque elle garde un souvenir joyeux : « Il y avait beaucoup de camaraderie. » Jusqu’aux années 1980 et la vague de délocalisations qui désertifie la région : « Les usines fermaient les unes après les autres. » La déléguée syndicale et militante communiste – « les seuls qu’on voyait à la sortie de l’usine » – monte au front. Alors, lorsque LVMH veut délocaliser l’usine Ecce de Poix-du-Nord et mettre sur le carreau 147 ouvriers, elle mène le combat et s’offre même une action LVMH pour interpeller Bernard Arnault à l’assemblée des actionnaires. « On dérange ! On dérange parce qu’il y a 147 chômeurs dehors ! » harangue-t-elle, le 10 mai 2007.
Sur le terrain aussi la syndicaliste use de toutes les méthodes possibles pour faire plier les patrons. Mais ça ne suffit pas : en 2009, l’usine ferme définitivement et Marie-Hélène Bourlard devient ambulancière. Si elle garde un souvenir amer de Bernard Arnault – « Je lui en veux à mort » –, elle chérit le souvenir de sa rencontre avec François Ruffin, alors journaliste pour l’émission « Là-bas si j’y suis ». « En 2005, il était venu pour interroger les filles [de l’usine] sur le référendum européen. J’étais un peu gênée parce qu’elles lui ont dit : “Marie-Hélène nous a dit de voter contre, donc on a voté contre” » se souvient-elle, n’assumant pas tout à fait son rôle de leadeuse d’opinion.
Le PCF, lui, ne s’y est pas trompé, propulsant la militante deuxième sur la liste menée par Ian Brossat. « J’ai dit oui parce que je pensais que je ne serais pas à une position éligible, et puis bon… » Depuis, elle multiplie meetings, rendez-vous avec les corps intermédiaires, tractages sur les marchés, porte-à-porte. Proche des gilets jaunes de sa région – « ils m’ont très bien accueillie » –, elle espère porter leur message au Parlement européen. Son franc-parler mâtiné d’accent du Nord détonnera à Strasbourg et à Bruxelles. Car Marie-Hélène Bourlard ne parle pas la langue de bois, pas plus qu’elle n’est à l’aise sur les plateaux pour porter son combat. « Elle ne maîtrise pas le jargon politique et pourrait connaître des difficultés », concède René Fleurie, de la fédération PCF du Nord. « Le Parlement européen doit sortir de son registre technocratique, c’est là tout l’intérêt d’un député communiste », défend Marie-Pierre Vieu, eurodéputée sortante et numéro 4 sur la liste. En septembre, elle a invité Marie-Hélène Bourlard à Bruxelles : « Elle était intimidée, mais très volontaire. »
« J’étais déjà venue devant, mais je n’étais jamais entrée dans le Parlement », explique la candidate. La syndicaliste reste mal à l’aise avec les institutions européennes – et bafouille d’ailleurs lorsqu’il s’agit de parler de la GUE (Gauche unitaire européenne), le groupe parlementaire où siègent les communistes. Des lacunes qui n’inquiètent pas la direction du parti : à leurs yeux, elle incarne avant tout un renouveau politique. « Elle sera entourée, ils s’appuieront autant sur elle qu’elle sur eux », veut croire Nacim Bardi, un de ses colistiers. Mais encore faut-il que les communistes accèdent au Parlement : crédités (au mieux) de 3 % dans les sondages, il leur faut dépasser les 5 % pour gagner ce pari.