Un comité en jaune et vert pour accueillir Agnès Buzyn à Lyon
Militants écologistes, gilets jaunes et soignants se sont réunis vendredi à l’occasion de la venue de la ministre de la Santé dans la capitale des Gaules. Pollution de l’air, casse du service public, réforme de la santé… ce ne sont pas les griefs qui manquent.
Sur le parvis de l’hôpital lyonnais Édouard-Herriot, c’est un comité d’accueil bigarré qui attend ce vendredi la ministre de la Santé Agnès Buzyn, venue inaugurer un nouveau pavillon : gilets jaunes, brassards verts, blouses blanches et drapeaux rouges se pressent devant les grilles, tenues par un cordon policier. Venus pour protester contre la casse du service public, dénoncer la prochaine réforme de la santé ou exiger que des mesures soient prises contre la pollution de l’air, tous et toutes ont leur mot à dire à la ministre. Loin des syndicats et des mégaphones, les plus déterminés sont les plus jeunes, prêts à tout pour lui faire part de leur indignation face à l’absence de mesures pour garantir leur santé et leur avenir.
Lyon suffoque
Munis de masques d’hôpital, des brassards verts autour du bras, une douzaine de lycéens et étudiants de Youth for Climate écoutent le plan d’action d’un gilet jaune. Mobilisés depuis le 15 mars, ils et elles sont bien décidés à interpeller Agnès Buzyn coûte que coûte. « La pollution de l’air cause la mort de deux personnes par jour », explique gravement l’un d’eux. « À Lyon, on a une espérance de vie inférieure de six mois à la moyenne nationale à cause de la pollution de l’air », renchérit Marin, 15 ans.
C’est en effet le constat d’une enquête menée par Santé Publique France en juin 2016 : dans les villes de plus de 100 000 habitants, la pollution fait perdre aux habitants en moyenne dix mois d’espérance de vie. L’Unicef enfonce le clou ce jeudi avec une étude selon laquelle trois enfants sur quatre respirent un air pollué. À Lyon, c’est malheureusement loin d’être un scoop. Les parents d’élèves de l’école Michel-Servet se battent depuis plusieurs années contre cette pollution. Située juste à côté d’un tunnel, de nombreux tests scientifiques réalisés dans la cour de l’école dès 2013 ont montré que le taux de polluants y était particulièrement élevé. Une partie de l’école et de la cour a donc été condamnée, mais la pollution ne diminue pas.
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Sur ces mots, sans l’ombre d’une hésitation, l’adolescent emboîte le pas à ses camarades, à la recherche d’un moyen pour entrer dans l’hôpital et rencontrer la ministre. Guidée par un gilet jaune, la petite troupe déniche une porte laissée ouverte et s’introduit en catimini dans l’enceinte de l’établissement. Après avoir traversé en courant la pelouse sous le regard interloqué du personnel hospitalier, direction le pavillon H flambant neuf, raison de la venue d’Agnès Buzyn.
« Va falloir s’habituer aux gardes à vue… »
Derrière une ligne de policiers, deux infirmières ont elles aussi réussi à approcher le pavillon H. « Elle est où la ministre ? Nos collègues sont bloqués dehors alors qu’ils travaillent ici, et nous on ne peut même pas parler à notre ministre ! Elle ne veut pas voir la réalité en face, on a des suicides et des collègues en burn out ! », s’indigne l’une d’elle, en poste depuis dix ans dans un autre hôpital. Sa collègue fixe les policiers d’un air furieux : « Pourquoi ils nous envoient les CRS ? Ils pensent quoi, qu’on va détruire notre outil de travail ? Regardez autour de vous, c’est déjà assez vétuste. Déjà qu’on n’a pas de moyens, on en aura encore moins avec la réforme de la ministre de la Santé. »
« Je veux qu’elle mette un visage sur ce qu’elle fait ! », s’exclame la première avant de tenter de négocier un passage auprès d’un policier. « C’est encore la casse du service public ! explique un gilet jaune, lui aussi bloqué devant le pavillon. Mais où est la ministre ? »
Aucune trace d’Agnès Buzyn. De l’autre côté des policiers, des soignantes venues de Valence chantent leurs revendications à pleins poumons. Quant aux jeunes de Youth for Climate, ils et elles évaluent les risques à forcer le passage. Finalement, ce sera un die-in, suivi par les gilets jaunes présents. « On ne partira pas, on veut avoir une discussion avec la ministre ! », lancent les jeunes aux policiers avant de s’installer en cercle pour un sit-in. « On est déter’ ! résume Mathilde, 16 ans. Je n’ai pas peur de la répression, on est pacifiques. » « Moi, je n’assumerais pas trop d’être en garde à vue et que mes parents viennent me chercher, rétorque Nathan en tripotant le foulard vert noué autour de son jean. Mais si on fait juste des petites marches on ne fait pas changer les consciences. Il faut qu’on s’intègre dans les mémoires. »
Antoine, qui étudie l’écologie dans une école lyonnaise, s’est déjà inscrit aux prochaines formations à la désobéissance civile dispensées par diverses associations écologistes, et il est n’est pas le seul. Les jeunes activistes réussiront finalement à rencontrer le directeur du cabinet d’Agnès Buzyn, arborant fièrement leurs masques d’hôpital. Devant le refus d’être écoutés par leur gouvernement et face à l’absence de mesures concrètes proposées, ils et elles voient déjà le mouvement se poursuivre l’année prochaine. « Va falloir s’habituer aux gardes à vue… », conclut Antoine avec un sourire.
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