Cannes : « Parasite » en or
Une superbe palme pour un palmarès moins pertinent, au terme d’une soixante-douzième édition exceptionnelle
Ce n’est pas sans une vague déception que j’ai assisté à la cérémonie de clôture et à la litanie des prix décernés. Hormis pour le plus important, la palme d’or. Mais que pèse le principe des récompenses face à ce que les festivaliers ont eu la chance de vivre cette année ? Le cru 2019 restera sans aucun doute comme le plus fameux de ce début de siècle.
Palme d’or
Cette palme s’imposait. Le cinéma que déploie ici le cinéaste coréen est souverain. Sur la scène du théâtre Lumière, il a rendu hommage à deux réalisateurs qui l’ont fortement marqué : Claude Chabrol et Henri-Georges Clouzot. Parasite (qui n’est pas sans faire penser, par certains aspects, à La Cérémonie), développe en effet un regard grinçant sur les rapports sociaux. À quoi il faut ajouter un humour décapant et un sens du rythme démoniaque. Une splendeur très noire !
Grand Prix
Mati Diop, pour Atlantique
Sur le papier, l’idée est belle : de jeunes travailleurs Sénégalais, ayant péri en mer, reviennent sous la forme de spectres demander des comptes à ceux qui les ont exploités. Pour un premier long métrage, Atlantique ne manque pas d’audace, dans l’entrelacement du social et du poétique. Mais certains défauts, notamment dans la narration ou le jeu des comédiens, empêchent le film d’être à la hauteur du projet.
Prix d’interprétation masculine
Antonio Banderas, dans Douleur et gloire, de Pedro Almodovar
C’est un très beau prix. Antonio Banderas interprète tout en finesse un cinéaste en panne, criblé de douleurs physiques et sentimentales, dont le passé lui revient comme une vague libératrice.
Prix du Jury
Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles, pour Bacurau
Deux films très politiques, avec quelques points communs, comme le réveil de la sauvagerie contre l’oppression pour le premier, contre un état de fait n’offrant aucun futur pour le second. Bacurau, du nom d’un petit village du Brésil attaqué par des mercenaires yankies, fait le lien avec l’histoire coloniale. Deux réussites.
Prix de la mise en scène
Jean-Pierre et Luc Dardenne, pour Le Jeune Ahmed
Luc Dardenne, en recevant le prix, a déclaré que Le Jeune Ahmed était un éloge à l’ouverture et à la vie. Par défaut, à tout le moins.
Prix d’interprétation féminine
Emily Beecham, dans Little Joe, de Jessica Hassner
La comédienne britannique ne démérite pas dans un film qui cultive une esthétique froide et une ambiguïté un peu vaine quant aux dangers des manipulations génétiques sur la nature.
Prix du scénario
Céline Sciamma, pour Portrait d’une jeune fille en feu
Ce prix est un non-sens. Et les quelques mots prononcés par Céline Sciamma sur la scène du Théâtre Lumière en témoignaient. Ce film de regard et d’incarnation vaut avant tout pour sa mise en scène et ses deux comédiennes, Adèle Haenel et Noémie Merlant.
Mention spéciale
Elia Suleiman, pour It Must Be Heaven
On ne sait pas très bien ce que signifie cette mention. C’est un prix de rattrapage, quoi qu’il en soit, celui qu’on rajoute en fin de liste, comme un strapontin en fin de rangée. Puisqu’à juste titre, le jury voulait Elia Suleiman à son palmarès, il aurait dû le placer beaucoup plus haut.
La soixante-douzième édition du festival de Cannes se termine. Merci à celles et ceux qui ont suivi ce blog de Cannes. Et à jeudi prochain dans l’hebdo !
Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.
Faire Un Don