De l’urgence écologiste à la réponse politique
La bifurcation évoquée par André Gorz entre écologie et barbarie est d’une actualité brûlante.
dans l’hebdo N° 1555 Acheter ce numéro
Depuis mes premières chroniques en 2009, j’essaie de montrer le lien entre économie et écologie, et la nécessité de répondre aux crises écologiques qui mettent l’humanité en péril. Dix ans plus tard, le constat est pire, et la bifurcation évoquée par André Gorz entre écologie et barbarie est d’une actualité brûlante. La première réalité est que la réponse politique, entre l’aggravation de la crise et les mesures mises en œuvre, est en retard. La deuxième est que les institutions sont aussi en retard. La troisième, la plus grave, est que la balkanisation du champ politique rend difficile toute constitution d’une majorité politique à la hauteur des enjeux.
Le résultat des élections européennes illustre ces trois réalités. Les écologistes et les régionalistes progressent de plus de 25 députés, mais, à moins de 10 %, cela reste insuffisant pour mettre en œuvre les politiques de rupture indispensables. L’inertie du système demeure importante, avec les deux groupes majoritaires des sociaux-démocrates et de la droite en baisse mais toujours en tête. La gauche radicale est toujours en échec, incapable de créer une majorité, notamment quand on regarde les situations pays par pays. La volonté de construire seule une force politique en refusant toute alliance avec les sociaux-démocrates, ou en reléguant les écologistes dans une impasse, bute sur le fait que la question sociale ne peut suffire aujourd’hui à construire une hégémonie politique et encore moins une force sociale.
Restent deux alternatives qui sont des impasses : l’alliance des nationalistes et de l’extrême droite, et les libéraux. La première est la plus dangereuse, car elle est la réponse autoritaire à la crise écologique. Tout en amplifiant la crise par des politiques anti-écologistes, elle met en place un contrôle des populations, un renforcement du bellicisme et des conflits identitaires. La seconde est le miroir de l’autre. En se posant comme un rempart à un opposant, elle le renforce car elle n’apporte aucune solution. Les forces libérales accroissent les inégalités et sont incapables de résoudre la crise écologique, car le temps court des marchés est incompatible avec le temps long des écosystèmes. Le moment critique surviendra quand les forces capitalistes les abandonneront pour les forces nationalistes, comme l’a si bien montré Hannah Arendt.
Alors que faire ? Le XXIe siècle n’est pas le XIXe. La question écologiste transcende la question sociale. Le risque d’effondrement nous oblige à agir sans attendre la difficile constitution d’une majorité politique. Revenir à la source de la critique libertaire du pouvoir politique tout en voulant l’exercer. Redécouvrir Dewey (1) et son radical-pragmatisme : « La transformation de la société passe par des expérimentations collectives qui remettent en cause les dualismes sociaux entre le privé et le public. » Il y a une continuité entre toutes les formes de l’action collective, entre les activités intellectuelles et militantes.
(1) Peut-on être radical et pragmatique ? Irène Pereira, Textuel, 2010.
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