Dire « noue »

Marielle Macé joue sur les mots-clés de l’imaginaire politique contemporain et du paysage collectif.

Ingrid Merckx  • 14 mai 2019 abonné·es
Dire « noue »
© crédit photo : G. Moutot

Échos humides et lacs d’impatiences. Marielle Macé polit des perles qui assemblent l’histoire d’un mot – « noue » –, son histoire à elle, petite-fille de maraîchers de la région nantaise, et celle d’une terre en lutte devenue matrice des zones à défendre. Nos cabanes se présente comme un essai de poétique politique du territoire. Un exercice littéraire qui s’aventure de la langue aux landes, à ce « tiers paysage », « comme tiers état » : « espace n’exprimant ni le pouvoir ni la soumission au pouvoir ». Elle saute d’une noue à l’autre, du nous aux nœuds, en passant par la mélancolie d’une paysannerie « prise en étau entre faute écologique et humiliation sociale ». Puis elle arrive aux cabanes du titre : faire des cabanes pour « occuper autrement le terrain », « braver les précarités », « relancer l’imagination ».

« Cabane » semble un mot-clé de l’imaginaire politique contemporain, des bidonvilles aux ZAD. Il fait écho à la difficulté de se loger, au fait de se réfugier, de s’installer, d’habiter et d’apprendre à vivre dans les ruines qui s’étendent des zones en guerre aux paysages dévastés : « Au long des fleuves ultra-aménagés, dans les forêts asphyxiées, les paysages naturels usurpés et les sites en friches. » Marielle Macé progresse par association d’idées, dans un mouvement fluide à peine interrompu par des parenthèses qui coulent comme une deuxième voix dans le texte. Elle admire le collectif anonyme dans l’écriture. Redonne du pouvoir aux mots : « jardiner », « renaturation », « reterrestration ». Se moque des cabanes « insolites » « qui jouent à enchanter la précarité ». Cite Thoreau, Ovide mais aussi le collectif Perou, l’anthropologue Saskia Cousin, Tarnac et la Claire Simon du Bois dont les rêves sont faits. Et il est vrai qu’il y a une parenté dans l’art et la manière entre ce documentaire sur les gens du bois de Vincennes et son livre. Deux non-fictions éprises de la nature, de ses habitants et d’une puissante métaphysique du ­paysage.

Nos cabanes, Marielle Macé, Verdier, 128 pages, 6,50 euros.

Culture
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