Le barrage et les digues
M. Macron et ses affidé·e·s usent depuis deux ans d’une brutalité qui devient très (très) inquiétante.
dans l’hebdo N° 1551 Acheter ce numéro
À un moment donné, il va quand même falloir qu’on additionne quelques faits – pris, par exemple, parmi ceux dont nous nous parlons ici depuis bientôt deux ans, et donc depuis l’installation dans l’Élysée de M. Macron, qui ne fut pas mis là sur sa bonne mine, mais bien parce que c’était lui ou la Pen. Et qu’on fasse un petit point sur ce que vaut désormais cette forte motivation. Précision, en passant (mais qui me tient assez à cœur) : j’en ai un peu ras le couvercle des surplombants qui, depuis lors, se plaisent à ridiculiser celles et ceux qui ont voulu, par cette élection, faire barrage au Front national (FN, devenu depuis le RN), et qu’il est de bon ton, désormais, dans certains recoins ombreux du camp progressiste, de moquer – en les appelant par exemple des « castors ». Car non, décidément : tout ne se vaut pas.
Et oui, décidément, l’extrême droite, telle qu’elle s’incarne par exemple dans le RN, est infiniment plus dangereuse encore que ne l’est le parti macroniste. (De sorte qu’il est, dans le meilleur des cas, irresponsable, en même temps que profondément révélateur d’un manque désolant de réelle considération pour les périls auxquels l’exposerait une victoire électorale du chauvinisme radical, de suggérer au « peuple », au nom de qui tant de profs de maintien prétendent aujourd’hui parler, que rien, au fond, ne différencierait ces deux formations.)
Ceci posé, constatons, car ce n’est pas antagonique avec ce qui précède, que M. Macron et ses affidé·e·s usent depuis deux ans, dans leur exercice du pouvoir, d’une brutalité toujours grandissante, et qui devient très (très) inquiétante.
Constatons notamment, car c’est là que se dessinent beaucoup de démarcations, qu’à l’instar de quelques-uns des pires dirigeants de la planète ils mentent de plus en plus effrontément et diffusent, quotidiennement, les mêmes fake news dont ils prétendent journalièrement qu’elles seraient un marqueur des populismes autoritaires : cela s’est encore vu, il y a peu, dans certaines proférations de M. Castaner, qui a réussi l’exploit de nier sans ciller la réalité de violences policières dont les images venaient pourtant de faire le tour des réseaux sociaux.
Puis, observons aussi que, outre qu’ils exercent tous les jours des férocités sociales d’une dureté jamais vue (1), ils déchaînent désormais, pour la répression des manifestations où s’expriment dans les rues (et selon des modalités diverses) les colères que nourrit leur iniquité, une sauvagerie dont le niveau va toujours crescendo : elle leur a même valu d’être récemment rappelés à plus de mesure, en même temps que quelques tyrans, par l’Organisation des Nations unies – mais ils n’ont manifestement pas voulu prendre l’exacte mesure de la portée symbolique d’un tel avertissement.
Le barrage ? D’accord. Mais la prochaine fois, parole de « castors » : on vérifiera tout de même que vous n’aurez pas fait sauter trop de digues.
(1) Même sous les règnes récents de MM. Sarkozy et Hollande, qui ne furent pourtant pas avares de ces vilenies.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.