En cheville avec le monde
Le Chant du pied est un jeu endiablé mêlant l’Inde et l’Occident.
dans l’hebdo N° 1559 Acheter ce numéro
Nathalie Le Boucher, Annie Rumani et Catherine Schaub-Abkarian ont pris provisoirement le nom de « kathakali girls ». Le kathakali est une danse de l’Inde du Sud qui est une référence absolue pour qui s’intéresse au théâtre gestuel et dansé : la synthèse parfaite du mythe, du geste et de la musique.
Ces trois actrices ont gravité autour de la troupe d’Ariane Mnouchkine, dont on connaît la dette envers les codes asiatiques, et sont allées sur place, là où se pratiquent cet art et d’autres arts frères. Leur spectacle est une sorte d’ode au katakhali en même temps qu’un récit personnel sur leurs voyages et leurs états d’âme. Elles nous apprennent les codes du pied (en les opposant à ceux qui régissent la danse classique européenne) mais aussi ceux du corps, de la tête, des bras. Des poignets aussi : ah ! les poignets…Capital dans le kathakali. Et magnifique.
Ce sont des danseuses étonnantes qui ont pour partenaires la sagesse et l’humour. Simon Abkarian, acteur-auteur dont on connaît l’inspiration largement orientale, a réglé ce trio où leurs personnages se singularisent et s’accordent. Éloge de la cheville et d’autres points névralgiques de notre corps, c’est aussi un spectacle endiablé, où le talon frappe le sol comme les mains frappent le tambour.
La liberté de la soirée, fondée sur un refus de s’enfermer dans une seule civilisation, va jusqu’à placer cette danse sur les musiques de Philip Glass ou des films de Fred Astaire ! Ou bien à évoquer quelques détails relatifs aux voyages là-bas (comme la nostalgie du camembert en un point du globe où l’on mange beaucoup de riz !). Mais ce ne sont que des parenthèses dans un spectacle où la bande-son a été enregistrée en Inde. Le jeu de ces trois actrices occidentales avec un langage oriental exerce une permanente fascination.
Le Chant du pied. Voyage en Kathakali, Théâtre du Soleil, Cartoucherie de Vincennes, Paris, jusqu’au 7 juillet.