Philosophie française

Mais c’est qui, ce très sinistre mec qui raconte sur une chaîne d’« info » que les femmes ne devraient pas jouer au football ?

Sébastien Fontenelle  • 12 juin 2019 abonnés
Philosophie française
© crédit photo : Samuel Boivin / NurPhoto

L’autre jour, dans un café parisien – avec un comptoir en zinc –, des enfants de 5 ans m’ont demandé : mais c’est qui, ce très sinistre mec qui raconte sur une chaîne d’« info » – on le dit avec des guillemets, tavu ? – que les femmes ne devraient pas jouer au football parce que bon, « l’égalité », d’accord, mais il ne faudrait pas non plus que les porte-couilles se laissent déposséder de toutes leurs prérogatives, parce que sinon, quoi ? On va aussi inventer un « rugby » pour les gonzesses ? Et pourquoi pas de la « boxe », tant qu’on y est ?

Puis d’insister : c’est qui, sérieux, ce très triste sire qui ajoute ensuite, et sans ciller, quelques mois seulement après qu’un suprémaciste blanc a tué onze personnes dans une synagogue de Pittsburgh, Pennsylvanie (1), qu’« aux États-Unis » il y a « un antisémitisme très répandu dans la communauté noire » ?

C’est un philosophe, petit·e·s, ai-je répondu. C’est du moins ce qu’affirment ses éditeurs et les journalistes qui, régulièrement, lui déroulent des tapis rouges, mais pour ce que j’en sais, le mec, depuis toutes ces années, est surtout spécialisé dans le commentaire dégueulasse de l’actualité, un peu comme celui qui est vautré tout là-bas, tout au bout du zinc, regardez, et qui depuis tout à l’heure débite des obscénités en éclusant des pastis – à ceci près, bien sûr, que jamais ce pauvre type ne sera, quant à lui, invité à cracher son venin à des heures de grande écoute par la crème de la crème de l’entertainment télévisé, parce que lui n’est pas officiellement philosophe, alors que l’autre gars, si, comme je vous disais : il a même été élu à l’Académie française.

Il s’appelle Alain Finkielkraut, ça fait une grosse quinzaine d’années qu’il cuit la même soupe altérophobe, dans laquelle il jette régulièrement de gros bouts de merde : en 2005, par exemple – parmi tant et tant d’autres –, déjà hanté par l’obsession de protéger l’intégrité blanche et virile du ballonisme national, il avait expectoré que l’équipe de France de football était « black-black-black », et que ça faisait « ricaner toute l’Europe ». D’autres fois, il colporte des fables extravagantes, comme quand il s’est mis à fulminer, en 2014, que « la boucherie » de Villers-Cotterêts (Aisne) était « devenue halal » – et musulmane, donc : pur bobard.

Mais alors, m’ont ensuite demandé mes jeunes interlocuteurs : si vraiment il ne raconte que de ces saletés, pourquoi est-il partout invité ?

Pour cette raison, précisément : parce qu’il vomit, du haut du socle de respectabilité que lui ont construit celles et ceux qui continuent à lui offrir des tribunes, une prose fielleuse qui excite dans l’opinion les malveillances les plus odieuses – mais qui, dite par un académicien, passe tellement bien…


(1) Après quoi, six mois plus tard, un autre fasciste blanc, qui se proclamait lui aussi « antisémite et islamophobe », a assassiné une sexagénaire dans une autre synagogue, à San Diego, Californie.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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