Relaxe quasi totale pour le livre « Les Réseaux du Kremlin en France »
Poursuivies en diffamation, l’auteure de l’essai et son éditrice ont été condamnées le 14 juin pour un seul passage sur la vingtaine visée par les plaignants.
Victoire presque totale contre les réseaux pro-Poutine pour l’universitaire spécialiste de la Russie Cécile Vaissié. L’auteure de l’essai Les Réseaux du Kremlin en France était poursuivie en justice avec son éditrice Marie-Édith Alouf (1), pour diffamation par six personnes mentionnées dans l’ouvrage. Le jugement, rendu le 14 juin, a dénié le caractère diffamatoire de la vingtaine de passages retenus, à l’exception d’un seul. Ce faisant, « le tribunal a fait prévaloir la liberté d’expression et de recherche et a empêché le rouleau compresseur procédural mis en place par les parties civiles de produire ses effets », souligne Me Ivan Terel, conseil de la défense.
L’ouvrage, publié en 2016 aux éditions Les Petits Matins, met au jour les campagnes de « séduction » menées depuis plusieurs années par le Kremlin pour influencer les affaires intérieures françaises et européennes. Cécile Vaissié décrit ainsi les différents cercles – du monde des affaires, de la politique, du champ militaire ou médiatique – dans lesquels se déploient, voire sont relayées, les positions de Vladimir Poutine. Loin d’être la seule enquête s’intéressant aux réseaux soutenant le maître du Kremlin dans l’Hexagone, l’essai de Cécile Vaissié n’est pas non plus le premier à être poursuivi en justice. L’avocat de la défense remarque : « Nous avions un rouleau compresseur judiciaire face à nous, avec six plaignants agissant de manière coordonnée et poursuivant chacun de très nombreux extraits de l’essai de Mme Vaissié. »
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Lors de l’audience des 14 et 15 mai derniers, le parquet avait requis la relaxe pour les deux prévenues dans les six affaires jugées. Le 14 juin, le tribunal a relaxé Cécile Vaissié et Marie-Edith Alouf de la quasi totalité des charges. Il est toutefois entré en voie de condamnation pour un seul des extraits poursuivis. Les quelques lignes concernées accusent l’un des plaignants, le blogueur Olivier Berruyer, d’avoir une « volonté de déformer les faits, d’attaquer ou de tromper, au moins en ce qui concerne les questions russo-ukrainiennes ». L’auteure et son éditrice ont chacune été condamnées à 500 euros d’amende avec sursis. Elles devront en outre verser 2 000 euros de dommages et intérêts (le plaignant en réclamait 6 000), et le passage incriminé devra être supprimé en cas de réédition. « Un seul passage condamné, c’est déjà un de trop », a commenté Me Ivan Terel, qui n’exclut pas la possibilité de faire appel. « La discussion reste ouverte concernant cette unique condamnation, le tribunal ayant écarté – à tort selon nous – certains éléments de preuve fournis. »
Cinq des six plaignants – Djordje Kuzmanovic, ex-conseiller de Jean-Luc Mélenchon, Véra Nikolski, haut fonctionnaire à l’Assemblée nationale, Gueorgui Chepelev, enseignant, et les blogueurs Hélène Richard-Favre et Pierre Lamblé – ont quant à eux été déboutés. La 17e chambre correctionnelle de Paris, spécialisée en droit de la presse et en affaires de « diffamation publique », n’a pas reconnu la diffamation à leur encontre. « Les relaxes obtenues ne l’ont pas été sous mandat de bonne foi : le tribunal a considéré que les extraits ne sont strictement pas diffamatoires, précise l’avocat de l’auteure. Globalement, les juges ont estimé que l’analyse d’un discours comme étant pro-Russe n’est pas un fait attentatoire à l’honneur ou à la probité, qui caractérise la diffamation. C’est une opinion. »
(1) Marie-Édith Alouf est secrétaire de rédaction à Politis.
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