Claire Nouvian : « Le RIP est le seul outil de démocratie directe dont on dispose »
Pour la cofondatrice de Place publique Claire Nouvian, il faut appuyer au maximum le projet de référendum sur ADP.
dans l’hebdo N° 1560 Acheter ce numéro
Avec l’insoumis François Ruffin, Claire Nouvian, cofondatrice de Place publique – désormais allié au Parti socialiste –, a publié le 11 juin dans Le Monde une tribune appelant la gauche et les citoyens à multiplier les pétitions en faveur du référendum sur la privatisation d’ADP. Trois semaines plus tard, elle dresse avec nous un point d’étape.
Vous appeliez à une « épidémie de pétitions », où en est-on ?
Claire Nouvian : L’épidémie a bien eu lieu, mais ça ne s’est pas retranscrit dans les signatures puisque le gouvernement rend volontairement les choses impossibles. Le site Internet où l’on peut signer est tout sauf intuitif. Notre appel transpartisan et la mobilisation auraient dû se transformer en raz-de-marée, mais, en montant un site, onéreux de surcroît, sur les standards des années 1980, le gouvernement l’a empêché. Il a commis un déni de démocratie.
Emmanuel Macron et son gouvernement affichent ici leur volonté de ne pas jouer le jeu et de ne pas laisser les Français s’exprimer sur la privatisation d’ADP, pas plus que sur l’ensemble des politiques qu’ils ont mis en place depuis le début du quinquennat. Ce référendum d’initiative partagée (RIP) devrait être payé par l’État, qui devrait en faire la promotion, distribuer à tous les Français une feuille de route, informer les citoyens sur la marche à suivre. C’est le seul outil de démocratie directe dont on dispose !
Tous les partis de gauche et de droite sont ligués en faveur de ce référendum, comment analysez-vous cela ?
D’un point de vue politique, ça veut dire que Macron va trop loin. Il a franchi la ligne rouge, y compris sur des thématiques qui sont partagées par la droite. Pour nous, à gauche, l’enjeu est multifactoriel. Par principe, nous devrions être en train de renationaliser les grands services publics, certainement pas de les privatiser. Ce qui arrive est la suite logique de la théorie libérale : d’abord on détruit les services publics en baissant drastiquement leurs dotations, puis on remet en cause la qualité du service, et on se sert ensuite de la dégradation créée pour justifier une privatisation. On devrait en fait se demander comment améliorer le rail et les autoroutes, comment amorcer la transition écologique de ces infrastructures et services. Chacun d’entre-nous a son point d’entrée, ce qui explique notre appel « Signez comme vous êtes », chacun d’entre nous a sa raison de s’opposer à une privatisation, aujourd’hui les aéroports, hier le rail, demain les hôpitaux, l’école, les routes secondaires.
Que dire aux citoyens pour les inciter à se mobiliser en faveur du référendum ?
Je leur dirais de se rappeler ce qu’a été le Conseil national de la résistance, ce que ça voulait dire pour nos aïeux : un combat pour ce qui est juste. Des communistes, des gaullistes, des gens de couleurs politiques différentes ont créé la Sécurité sociale, ont entrepris de nationaliser les banques et les sociétés d’armement… C’est allé loin ! Et aujourd’hui on est en train de détricoter tout le modèle social français. C’est délirant !
Cette campagne permettra-t-elle à la gauche de se réunir pour mener d’autres combats communs à l’avenir ?
Quand on enlève les batailles électorales et ceux qui cherchent des postes à responsabilités, nous partageons de fait le même point de vue, le même langage et les mêmes valeurs. Chez Place publique, cette union c’est ce que nous avons toujours souhaité ! Mais je suis assez pessimiste quand je vois que le monde politique est verrouillé par les égos, des querelles de chefs à plumes qui ne visent que l’élection suprême. Quand votre finalité dans la vie, c’est d’atteindre une fonction et non une réalisation, je vois mal comment on peut être qualifié pour servir les citoyens. Il faudrait inventer de nouvelles modalités de désignation des politiques pour élire les meilleurs, c’est-à-dire les moins intéressés par le pouvoir.