Climat : écouter les citoyens ?
Un panel a proposé une taxe liée au nombre de kilomètres parcourus par un produit.
dans l’hebdo N° 1560 Acheter ce numéro
Dans son premier rapport, paru le 26 juin, le Haut Conseil pour le climat juge absurde la non-prise en compte de l’impact des importations de la France sur son empreinte carbone : à quoi bon se vanter de réduire les émissions sur le territoire national si on délocalise l’essentiel des productions polluantes en Chine ou ailleurs ? Il souligne aussi le trou noir que représentent les émissions du transport international, qui sont exclues des émissions des pays et ne font donc l’objet d’aucun engagement de réduction.
Ce Haut Conseil, bien que créé par Emmanuel Macron à la suite du « grand débat » bidon organisé en réponse aux gilets jaunes, semble donc pouvoir jouer un rôle utile. Plus inattendu encore, les conférences citoyennes régionales, bricolées à la hâte par le gouvernement dans cette même séquence pour faire semblant d’écouter le peuple, ont produit un certain nombre de bonnes idées qui pourraient répondre à ces enjeux. Ainsi, le panel de citoyens des Hauts-de-France a recommandé l’adoption d’une « taxe sur les produits locaux » proportionnelle au nombre de kilomètres parcourus par les produits entre le lieu de leur production et celui de leur vente. Selon ces citoyens, « le calcul de cette taxe sera basé sur un indice évaluant l’empreinte carbone d’un kilomètre de transport de marchandise. Le nombre de kilomètres parcourus par un produit serait alors multiplié par cet indice, pour calculer le montant de la taxe. Cette mesure incitera au développement des circuits courts, afin d’améliorer la santé des consommateurs et de limiter la pollution liée aux transports (1) ».
Peut-être faudrait-il plutôt parler de « taxes sur les produits lointains », mais l’idée, défendue par Attac depuis longtemps, permettrait de réduire les flux de transports intra et internationaux sans flatter les pulsions chauvines. Le protectionnisme aux frontières dégage toujours des relents nationalistes alors que la taxe kilométrique est indifférente aux frontières. Évidemment, Macron et Philippe n’ont aucunement l’intention de promouvoir une mesure qui enclencherait une démondialisation du commerce. Pire encore, les conférences citoyennes ont demandé le rétablissement de l’ISF, la baisse de la TVA sur les produits bio et la taxation des multinationales, mais aussi, de façon moins attendue, le « ferroutage obligatoire » et l’instauration d’une « instance écologique mixte interne à l’entreprise » pour orienter ses décisions.
C’est dire si les annonces récentes de François de Rugy semblent peu crédibles : la « Convention citoyenne sur le climat », qui doit rassembler 150 citoyens tirés au sort et travailler pendant six mois à partir de septembre, devra définir « un paquet de mesures cohérentes » dont « le président de la République a dit explicitement [qu’elles seraient reprises] sans filtre pour être [intégrées] soit au domaine réglementaire, soit à la loi (2) ». Chiche ?
(1) « Synthèse des expressions citoyennes », https://granddebat.fr
(2) Entretien avec François de Rugy, Le Monde, 27 juin.
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