Zone d’économie novatrice
Une association citoyenne conteste l’implantation d’un espace commercial démesuré à Vallet, près de Nantes, et propose un projet alternatif privilégieant l’humain et l’environnement.
dans l’hebdo N° 1562 Acheter ce numéro
Située au milieu des vignobles nantais, la ville de Vallet est secouée depuis une dizaine d’années par une fronde locale mêlant commerçants, agriculteurs et citoyens, aujourd’hui réunis au sein de l’association Laissez-nous vivre un peu. Leur ennemi : le projet de ZAC du Brochet. En 2008, les modifications du plan local d’urbanisme incluent un déplacement de l’Hyper U, occupant actuellement six hectares, près de la voie rapide. Sauf que, au lieu du simple transfert annoncé, c’est une véritable zone commerciale qui émerge, avalant au passage 17,5 hectares de terres.
Anne-Laure Fleurance et son père sont alors propriétaires de 9 hectares de terres convoitées pour cette nouvelle lubie commerciale. « Comme mon père a été catégorique, il n’y a pas eu de négociations. Puis nous avons reçu la lettre du juge d’expropriation en juillet 2016, et le jugement a été rendu en octobre », raconte-t-elle. Comme ils refusent les indemnités payées par l’aménageur (la SNC Le Brochet), l’argent est consigné à la Caisse des dépôts. « Le juge avait fixé le prix à 7 euros le mètre carré, alors qu’il valait trois fois plus. Et ce sera revendu entre 90 et 110 euros aux entreprises… »
L’enquête publique se déroule à l’automne 2015. En juin 2016, la déclaration d’utilité publique (DUP) de la ZAC est validée par le préfet de la Loire-Atlantique, malgré une pétition signée par « 135 commerçants et 520 consommateurs ». Philippe Surzur tient un commerce de chaussures depuis plusieurs années à Vallet et sait que les arguments de 207 créations d’emplois, de dynamisme économique et de poussée démographique ne tiennent pas la route. « La zone de chalandise est d’à peine 30 000 habitants et ne peut se développer ni en grandeur ni en nombre de consommateurs à cause des autres zones aux alentours », détaille-t-il. Une étude de 2014 montrait que la ville la mieux dotée (Le Havre), possédait plus de 500 m2 de surface commerciale pour 1 000 habitants. Selon ses calculs, si la ZAC du Brochet se fait, Vallet atteindra 1 000 m2 pour 1 000 habitants ! Précision : Vallet compte 9 000 habitants. « Toute la région périphérique subira les conséquences, notamment les petits bourgs où il y a encore des boulangeries, des boucheries… La grande distribution lamine les campagnes et tout le tissu social ! »
L’association a déposé un recours contre cette DUP au tribunal administratif de Nantes, mais celui-ci vient tout juste de refuser la demande d’annulation. « Le juge a estimé que le projet n’est pas surdimensionné et il n’a même pas parlé d’artificialisation des sols. Comme nous sommes en zone rurale, il y a effectivement beaucoup de terres agricoles aux alentours, donc ces 17,5 hectares ne représentent pas grand-chose aux yeux du juge, des promoteurs et des élus », déplore Anne-Laure Fleurance. Cette bataille juridique freine (un peu) le projet, mais ce sont surtout les fouilles archéologiques en cours qui permettent aux anti-ZAC de souffler et d’élaborer un plan d’actions.
Ancien commerçant et élu de Vallet, Jean-Guy Merlaud connaît bien les détails du projet, ses conséquences et surtout la tendance des politiques à « mettre la tête dans le sable », surtout lorsqu’il y a une contestation. Pour que lui et ses camarades ne soient pas seulement étiquetés comme opposants, il réfléchit à une alternative cohérente pour les 14 hectares qui resteraient (Norauto et McDonald’s seraient déjà en construction). Il élabore la « zone d’économie novatrice » (ZEN) où cohabiteraient plusieurs pôles : l’habitat avec un écovillage intergénérationnel et une crèche associative, l’artisanat avec une pépinière d’entreprises en lien avec l’environnement, une écocyclerie, un repair café, de la restauration rapide bio, une ferme solaire, sans oublier l’agriculture.
« On imagine des jardins en permaculture, une ferme pédagogique et une régie agricole qui pourrait approvisionner les cantines et les Ehpad en produits bio et locaux », développe Jean-Guy Merlaud. Si, pour le moment, ce projet n’existe que sur le papier, il permet à l’association d’avoir un nouvel écho dans la presse, auprès des députés et de fédérer de nouveaux membres. Une autre vision du territoire et de la consommation.