Celui qui ne croyait plus au ciel
Charles Condamines, ancien prêtre ayant perdu la foi, jette une lumière crue sur la crise que traverse l’Église catholique.
dans l’hebdo N° 1566 Acheter ce numéro
C’est d’un itinéraire qu’il s’agit. Pas vraiment celui qui a conduit Charles Condamines du grand séminaire de Rodez aux communautés pauvres du Chili, puis à la création et/ou à la direction des Amitiés franco-chiliennes, de Frères des hommes ou de Panos France. Il s’agit surtout de l’itinéraire spirituel qui l’a amené à la prêtrise, puis à un retour vers la laïcité et enfin à une perte de la foi. Charles Condamines n’est pas devenu prêtre ; il le dit lui-même, il est « né prêtre ». Enfant d’une famille nombreuse de l’Aveyron, avec des tantes sous la cornette et des oncles dans les ordres, il avait un destin tracé depuis sa naissance.
Sa vie est alors un long fleuve tranquille. Épris de justice sociale, soucieux d’engagement auprès des plus démunis, il se réjouit que le concile Vatican II (1965) ait décidé que l’Église catholique devait s’ouvrir au monde et que la théologie de la libération réconcilie les chrétiens avec l’action politique. C’est donc presque naturellement qu’il se retrouve dans un bidonville de la ville chilienne de Talca et qu’il est l’un des principaux initiateurs du mouvement Chrétiens pour le socialisme.
Mais c’est l’époque aussi où, au nom de la défense de l’Occident chrétien contre la menace communiste – et avec l’aide de la CIA –, les militaires brésiliens, argentins et chiliens imposent des dictatures. Puis le pape Jean-Paul II réduit au silence des théologiens comme Leonardo Boff ou nomme des évêques au pur profil préfectoral, comme celui qui remplaça Hélder Câmara, « l’évêque des pauvres ».
Pour Charles Condamines mais aussi des milliers d’autres prêtres en France, le fossé se creuse entre une foi profonde et une institution religieuse de plus en plus fermée, sauf aux traditionalistes ou à l’Opus Dei. Des milliers ? Sur les 45 000 prêtres diocésains en France au début des années 1970, l’auteur estime que plus de 10 000 ont « défroqué » dans les quinze années suivantes. La plupart « réduits » à l’état laïc. Défroqués, réduits : les mots sont révélateurs de la puissance de l’institution. D’ailleurs le cardinal Barbarin, condamné en mars pour non-dénonciation d’abus sexuels, considérait que les prêtres qui étaient partis (les défroqués, donc) avaient fait autant de mal que les prêtres pédophiles restés dans l’Église. Défendre l’institution, d’abord et avant tout ! Quitte à vouer l’Église catholique à redevenir une secte : le nombre de baptêmes et de mariages religieux est en chute libre. En 2017, il restait 11 000 prêtres en France, dont 2 000 en provenance de pays étrangers. Et, selon Charles Condamines, « un nouveau prêtre sur trois appartient à la mouvance de Mgr Lefebvre, celui qui a estimé que Pinochet était un bon serviteur de Dieu ». Ce livre-témoignage est d’une rigoureuse honnêteté et d’une remarquable qualité intellectuelle.
J’étais prêtre et ne suis plus chrétien Charles Condamines, 264 pages, L’Harmattan, 25 euros.