Contre-G7 : des manifestants sereins, pacifiques mais déterminés
dans l’hebdo N° 1566 Acheter ce numéro
Sur le port d’Hendaye, la tranquillité habituelle est brisée ce 24 août. Des milliers de militants anti-G7 se préparent à marcher pour faire entendre leur voix et leur envie d’un autre monde. Après trois jours de conférences, d’ateliers, de rencontres, le contre-sommet du G7 a enclenché le mode action avec la traditionnelle manifestation, en ce jour d’ouverture du grand raout à Biarritz des chefs d’État des pays dit les plus industrialisés de la planète – selon la définition de 1975…
Les têtes des sept chefs d’État deviennent des pantins au service des messages à passer. Plus tôt dans la matinée, l’équipe d’Oxfam les a confortablement installés sur la plage : Donald Trump se fait bronzer, tandis que Boris Johnson construit un minuscule château de sable. Les #G7welcometoparadise, lancé sur les réseaux sociaux par des médias indépendants, prend tout son sens. Dressés fièrement au-dessus de la foule, les visages imprimés des chefs d’État narguent les manifestants. Chacun traîne ses casseroles. Un badge « Glyphosate lover » souligne le portrait d’Emmanuel Macron, un autre « Migrants go home » accuse le désormais ex-président du conseil italien Giuseppe Conte.
Tout au long des quatre kilomètres de cette marche calme et festive, des slogans et discussions en basque, espagnol, français, anglais se mélangent mais tous revendiquent un droit à un autre monde anticapitaliste, écologiste, altermondialiste, féministe, solidaire, sans frontière… Dans le cortège, la cause des migrants mobilise énormément. Couvertures de survie sur le dos brillant sous le soleil à son zénith, des militants traînent des bateaux gonflables orange tout en criant : « Ongi etorri Errefuxiatuak ! » (Bienvenue aux réfugiés !)
Symbole fort de cette marche, le passage du pont Saint-Jacques, frontière visible entre la France et l’Espagne. Un groupe de joaldun, personnage traditionnel basque portant une peau de brebis et une cloche sur le dos, a rythmé la fin de la marche, et déchiré des banderoles dénonçant les barrières imposées aux peuples. Au milieu du pont-frontière aux allures de cicatrice, deux panneaux fléchés symétriques indiquent de chaque côté sur un ton de défi : « Euskal Herria [NDLR : Pays basque] ».
Avec ce contre-G7 nous voulons démontrer qu’il est possible de résister au système capitaliste qui scie la branche sur laquelle l’Humanité est assise. À l’inverse de la mondialisation néolibérale, il est possible de développer des alternatives en partant des territoires et des collectifs humains qui priorisent la collaboration à la compétition, les biens communs et les droits humains aux profits privés.
À l’arrivée devant le centre des congrès d’Irun, l’appel du contre-G7 a été lu, en plusieurs langues :
Les plateformes G7 EZ ! et Alternatives G7, créées pour ce contre-sommet, parlent de réussite : elles attendaient 10 000 participants et en ont compté 15 000 (9 000 selon la police française). « Le cadre qu’on souhaitait ouvert et festif a été respecté à la fois par les manifestants et par les forces de l’ordre qui étaient peu visibles sur le parcours », précise Sébastien Bailleul, porte- parole d’Alternatives G7 et délégué général du Crid. En effet, les policiers et gendarmes s’étaient un peu retranchés, même si deux hélicoptères n’ont cessé de survoler le cortège. Mais sur le chemin du retour, une horde bleue surveillait attentivement la dispersion des manifestants, notamment au niveau de la gare d’Hendaye.
Quasiment au même moment, Emmanuel Macron terminait son allocution aux Français, dans laquelle il appelait les participants du contre-sommet « au calme et à la concorde ». Si la manifestation déclarée n’a pas eu besoin de l’injonction présidentielle pour cela, le pacifisme a pris fin en début de soirée. Des manifestants ont poursuivi la mobilisation à Bayonne, la tension est montée entre contestataires et policiers, avec des voltigeurs et des lances à eau en renfort. Le calme et la concorde s’effacent dans un souffle.
Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.
Faire Un Don