Le Parti socialiste, ce grand convalescent
Le PS a changé : tel est le message que sa nouvelle direction a voulu délivrer à La Rochelle, où elle organisait sa première université d’été depuis 2015.
dans l’hebdo N° 1566 Acheter ce numéro
Les socialistes y croient à nouveau. Du moins ceux qui, le week-end dernier, étaient à La Rochelle. Après trois ans d’absence, le Parti socialiste y tenait à nouveau son université d’été autour d’un mot d’ordre dans l’ère du temps puisqu’il était question d’y définir « un avenir écologique et social ». Dimanche midi, au terme d’un brunch organisé à La Belle du Gabut au cours duquel les militants ont pu interroger, parfois interpeller, leur premier secrétaire, Olivier Faure, et les secrétaires nationaux présents à ses côtés sur la petite scène de ce tiers-lieu saisonnier décoré par des graffeurs, tous se sont levés à l’appel de Danièle Hoffman-Rispal. La voix éraillée, cette ancienne députée de Paris qui revendique « quarante ans de parti » s’était emparée du micro, pour leur demander d’applaudir à « la renaissance » du PS : « Je l’attends depuis longtemps, elle est là, à La Rochelle. »
« Le temps de la morosité n’est plus de saison », avait lancé la veille Olivier Faure, dans son discours de clôture. Un peu auparavant, lors d’un déjeuner avec les rares journalistes présents, le patron du PS s’était félicité du « formidable résultat » de ce rendez-vous estival repensé dans la forme et rebaptisé pour l’occasion « Campus19 ». Avec moins de séances plénières mais des ateliers de formation sur le b.-a.-ba d’une campagne municipale ou les nouvelles pratiques militantes. Également des formats innovants, comme un « procès de la Ve République » reconnue coupable à l’issue d’un vote, ou cette « agora » installée sur le parvis de l’espace Encan et « ouverte aux Rochelais et aux touristes », qui accueille des débats sur la démocratie participative, la santé, le réchauffement climatique ou l’école.
Et les militants ont répondu présent. Les organisateurs en annoncent 2 000 sur l’ensemble du week-end. C’est au bas mot deux fois moins que dans les années où le PS dominait la gauche, mais après une élection européenne décevante (6,19 %) qui n’a enregistré aucun redressement après le crash de la présidentielle (6,36 %), cette fréquentation satisfait Olivier Faure, qui pointe une autre « surprise » : un cinquième d’entre eux ont moins de trente ans. Signe d’un renouvellement qui touche aussi très largement les intervenants, pointe-t-il, puisque « plus de la moitié ne sont jamais venus à La Rochelle ».
Le patron du PS avance un autre motif de satisfaction : « Il y a un an, le parti était encore isolé à gauche. J’avais appelé à des “combats communs”, mais personne n’avait répondu à cette invitation. » Depuis, des batailles comme celles contre les pesticides ou la privatisation d’ADP ont rapproché la gauche. « Tout a changé, veut-il croire. Il y a un an, il n’y avait aucun intervenant extérieur à nos rangs ; aujourd’hui toutes les formations sont représentées » dans les débats du Campus19. De La France insoumise à l’Union des démocrates et écologistes (UDE) en passant par EELV et Génération·s, qu’importe si ces formations n’étaient pas représentées par leurs dirigeants de premier plan, Olivier Faure y voit l’indice, avec la présence de responsables d’ONG, d’associations et de syndicats, que le PS a « retrouvé une audience, un intérêt pour l’extérieur ».
Tout au long du week-end, il a voulu prouver que la ligne qu’il défend depuis son élection à la tête du parti en avril 2018 redonne des couleurs au PS. Celle d’un parti jadis hégémonique, aujourd’hui « unitaire pour un, pour deux, pour tous ». D’un parti qui a fait son inventaire critique du quinquennat Hollande et prend résolument le virage de la transition écologique. Un « virage » que critiquent d’anciens ministres comme Stéphane Le Foll ou François Rebsamen, qui y voient « l’effacement » de leur parti. Faux procès, réplique Olivier Faure en rappelant que « l’effacement a eu lieu à la présidentielle et on a eu trente députés ».
Ce dernier a toutefois été interpellé à plusieurs reprises sur les propos tenus par Raphaël Glucksmann sur France Inter le 22 août. « La seule solution pour proposer une alternative à Emmanuel Macron, c’est de dissoudre, de dépasser les partis politiques qui existaient avant Emmanuel Macron », avait déclaré le leader de Place publique et ex-tête de liste du PS aux européennes. Lequel, à La Rochelle, est revenu sur ses propos lors d’un débat sur la gauche des combats communs, en expliquant qu’il ne voulait pas « supprimer les partis » politiques, mais que seul un « dépassement » des partis permettrait « à la gauche de reprendre le pouvoir ». François Mitterrand « est quelqu’un qui a […] su dépasser des structures pour créer le véhicule idéologique, culturel, politique qui permettrait à la gauche de reprendre le pouvoir » et « on serait bien inspiré de revenir à ce geste originel », a-t-il poursuivi sous les applaudissements de la salle.
Comme en écho, Olivier Faure a invité le lendemain ses troupes à se « penser comme les réceptacles des mouvements sociaux [qui] cherchent un débouché politique » en rappelant que François Mitterrand l’avait fait quand il avait « été se faire caillasser au Larzac, avait hébergé une radio libre au siège du PS, s’était prononcé contre la peine de mort et repris le combat féministe ».
Fort de l’implantation locale du PS (1) et convaincu que la logique du mode de scrutin pousse au rassemblement de la gauche et des écologistes au second tour, le premier secrétaire du PS aborde les municipales avec optimisme. « Il faudra que cette étape prépare les suivantes, les départementales et les régionales [en mars 2021], poursuit-il. Il faudra que nous enclenchions un processus qui permette d’aller plus loin et évite qu’il y ait cinq ou six candidats de gauche en 2022. » À cette fin, trois événements, pilotés par le député des Landes Boris Vallaud, sur la démocratie, le social et l’écologie sont programmés cet automne pour « continuer à discuter avec les uns et les autres ».
Un tantinet méfiante, l’ancienne présidente du MJS, Laura Slimani, qui représentait le parti de Benoît Hamon dans un débat sur l’avenir de la gauche, a prévenu : « Si ce bouillonnement intellectuel […] se termine par un appel à la raison et la candidature proposée d’un ancien ministre et Premier ministre du quinquennat Hollande, alors on va avoir un petit problème de cohérence. » Des propos applaudis par une partie de la salle puis hués par une autre. La mise en garde vise Bernard Cazeneuve, dont le retour, annoncé par ceux qui contestent le virage du parti, est prévu aux journées parlementaires socialistes les 4 et 5 septembre, et à la Fête de la rose de Maraussan (Hérault) le 8 septembre. Le PS a encore quelques débats à régler en son sein pour vraiment renaître.
(1) « Le PS dirige 5 régions, 25 départements, plus de 250 communes de plus de 10 000 habitants… », a rappelé François Rebsamen, président de la Fédération nationale des élus socialistes et républicains, en ouverture du Campus19.