Françoise d’Eaubonne, pionnière de l’écoféminisme

L’historienne Caroline Goldblum consacre un bel essai à l’une de ces femmes qui, les premières, ont lié défense de l’environnement et lutte contre l’oppression patriarcale.

Olivier Doubre  • 24 septembre 2019 abonné·es
Françoise d’Eaubonne, pionnière de l’écoféminisme
© photo : Une manifestation du MLF à Paris en 1971. crédit : Aimé Dartus/Ina/AFP

Le nom et la figure de Françoise d’Eaubonne (1920-2005) sont aujourd’hui largement oubliés. Elle fut pourtant l’une des fondatrices du Mouvement de libération des femmes (MLF) et du Front homosexuel d’action révolutionnaire (Fhar), qui est à l’origine des revendications LGBTI dans l’Hexagone. J’avais eu la chance de la rencontrer en 2001, quelques années avant sa disparition, alors que je réalisais une série de documentaires pour France Culture sur « le mouvement homosexuel français ». C’était une vieille dame digne à la pensée radicale et libertaire, plutôt pauvre (elle était hébergée dans un foyer pour intellectuels à deux pas de la gare Montparnasse). Elle m’avait conté la multitude de ses combats, en particulier sa contestation des automatismes relatifs aux genres et son engagement en faveur de la libération sexuelle, se souvenant de ses nombreuses rencontres, notamment avec Simone de Beauvoir, dont elle rappelait sans ambages la bisexualité tardive à une époque où la chose était plutôt tue.

Inlassable auteure engagée, Françoise d’Eaubonne est encore moins connue pour ses convictions autogestionnaires, son attachement à l’égalité des sexes et des peuples, et surtout à la préservation de la planète. C’est donc tout l’intérêt de cet essai remarquable de Caroline Goldblum, jeune historienne spécialiste du féminisme, que de s’intéresser à cette précurseure et de montrer combien sa pensée lia revendications genrées et défense de l’environnement. Plus précisément, elle considérait la préservation de la nature comme indissociable des luttes à la fois contre le patriarcat et contre l’exploitation capitaliste. Celle qui exploite d’autant mieux les femmes – et le prolétariat – qu’elle détruit en même temps la nature.

Françoise d’Eaubonne a ainsi su développer une pensée pionnière de ce que l’on nomme aujourd’hui de plus en plus fréquemment l’« écoféminisme », où la revendication de l’écologie politique est fortement liée aux idéaux de la décroissance. Cette pensée vient donc donner du grain à moudre à la lutte pour une réelle émancipation, autant contre l’exploitation capitaliste que contre l’oppression patriarcale, lesquelles « doivent être combattues ensemble ».

L’intellectuelle rappelait ainsi dans l’un de ses ouvrages majeurs, Écologie et féminisme, révolution ou mutation ? (réédité, en 2018, aux éditions Libre et Solidaire) : « Le prolongement de notre espèce est menacé aujourd’hui, grâce à l’aboutissement des cultures patriarcales, par une folie et un crime. La folie : l’accroissement de la croissance démographique. Le crime : la destruction de l’environnement. Tous deux concernent la femme et passent par elle, en tant que détentrice des sources de procréation. »

Françoise d’Eaubonne et l’écoféminisme Caroline Goldblum, Le Passager clandestin, 132 pages, 10 euros.

Idées
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