À la recherche de Hamon… et des autres

Après quatre mois de silence depuis la déconvenue des européennes, Génération·s a fait sa rentrée en affichant sa volonté de servir au rassemblement des gauches.

Agathe Mercante  • 2 octobre 2019 abonné·es
À la recherche de Hamon… et des autres
© photo : Benoît Hamon lors des élections européennes, le 26 mai 2019.crédit : Lucas BARIOULET/AFP

On l’a cherché aux universités d’été, aux rassemblements des partis de gauche, sur les plateaux de télévision, dans les colonnes de la presse et sur les ondes des radios… en vain ! Benoît Hamon est introuvable. Au lendemain d’un résultat aux élections européennes du 26 mai (3,27 %) qualifié de « décevant » par ses proches, le candidat malheureux avait bien annoncé prendre un peu de recul… Mais ce recul, en se poursuivant, laisse penser qu’il sera un retrait en bonne et due forme. Durant ces quatre mois de silence, Génération·s, le mouvement que Benoît Hamon a lancé en 2017 à la suite de son départ du Parti socialiste, n’aura existé publiquement que via les apparitions de son co-coordinateur Guillaume Balas au « big-bang » de la gauche de Clémentine Autain et d’Elsa Faucillon (fin juin), au Festival des idées de la Charité-sur-Loire (début juillet) ou encore à l’université d’été d’Europe Écologie-Les Verts (fin août). Avant qu’enfin, le week-end des 28 et 29 septembre, à l’espace les Esselières de Villejuif, en banlieue parisienne, se tiennent les « journées de rentrée » de Génération·s.

L’occasion, pour le millier de militants ayant répondu présent, d’adopter quelques variantes sur l’organigramme (installation définitive d’une « assemblée des territoires », orientation pour les élections municipales de mars), mais surtout de se rassurer : le parti existe toujours et compte bien revenir sur scène. « Nous ne sommes pas que le mouvement de Benoît Hamon, nous sommes un mouvement à part entière », explique Benjamin Lucas, nouveau porte-parole. Ça va tout de même mieux en le disant. Car, si les cadres assurent avoir Benoît Hamon au téléphone « plusieurs fois par jour », chez les militants l’inquiétude allait croissant. « Cela fait des mois qu’on ne l’a pas vu, pas entendu », dit une adhérente du Val-de-Marne. Des craintes évacuées ce week-end par le passage éclair d’un Benoît Hamon barbu et en sweat-shirt. Il n’a donc pas disparu, mais ne semble pas prêt à revenir pour autant. Après un bref discours, il s’éclipse et ne sera pas là le lendemain. Charge à Guillaume Balas de conclure les journées. « Au lieu d’attirer l’attention médiatique sur lui, il met en lumière de nouvelles personnalités », plaide Benjamin Lucas.

Sans son fondateur, Génération·s aura fort à faire, mais pas question de laisser cette absence médiatique gâcher la fête. À Villejuif, les ateliers se suivent et font écho à ceux proposés aux universités d’Europe Écologie-Les Verts (EELV) et de La France insoumise (LFI) à la fin de l’été : « Trump, Bolsonaro, Poutine : Macron le sauveur ? », « Démocratie dans la ville : la fabrique du lobby citoyen », « Pour des villes écologistes et résilientes », « Désobéir ? Comment la société peut-elle se faire entendre à l’heure des autoritarismes ? », « Effondrement et démocratie : mission impossible ? »… Comme pour faire la synthèse entre le rose du socialisme et le vert de l’écologie. Mais sans choisir. « L’écologie politique ne doit pas être le primat de tout et elle ne peut se départir de la question sociale et démocratique », explique Roberto Romero, le responsable des affaires internationales du mouvement. Une piqûre de rappel aux cadres d’EELV qui voudraient se positionner sur la ligne du « ni-ni ». Mais qui dit gauche dit aussi que Génération·s, comme l’ensemble des autres partis, fait face au problème de l’éparpillement.

« La gauche a deux problèmes majeurs, indique Pascal Cherki, ancien député et premier à avoir suivi Benoît Hamon lors de son départ du PS. Premièrement, elle ne propose pas d’idées nouvelles qui pourraient lui permettre de “taper juste” ; deuxièmement, elle ne parvient pas à faire le rassemblement. » Pourtant, comme l’indiquait l’appel à un « big-bang », « l’urgence nous oblige »… Et chez Génération·s, la leçon des européennes a été comprise. « Nous allons participer à toutes les initiatives de rassemblement », résume Guillaume Balas.

Et même en être à l’initiative. Dimanche 29 septembre, le mouvement a réuni tous les représentants des partis de gauche pour une plénière au nom sans équivoque : « 2022 : a-t-on déjà perdu ? » Sur scène, Clémentine Autain (LFI et « big bang »), Olivier Besancenot (NPA), Marie-Noëlle Lienemann (Gauche républicaine et socialiste, mouvement proche de LFI), Corinne Narassiguin (PS), Ian Brossat (PCF), Virginie Rozière (Radicaux de gauche), Raphaël Glucksmann (Place publique), Marie Toussaint (EELV) et Guillaume Balas ont tenté d’y répondre. « À gauche, on est sortis de l’histoire », déplore Raphaël Glucksmann. « Comment en est-on arrivés là ? s’interroge Virginie Rozière. Nos pratiques nous ont fait perdre toute crédibilité. »

Si quelques propositions de rassemblement sont mises sur la table – le « big bang » de Clémentine Autain, une « grande université populaire » avancée par Marie-Noëlle Lienemann –, l’ambiance est au bilan de la guerre fratricide des dernières élections. Et non sans paradoxes. « On a bien vu ce que ça donne quand on est séparés », constate Ian Brossat, dont le parti avait pourtant opté pour une ligne autonomiste aux européennes. « Nous sommes sur le bon chemin, veut croire la socialiste Corinne Narassiguin. Pour les municipales, pour les départementales, pour les régionales. » Mais derrière les postures, la gauche accuse un manque criant de leaders en mesure de l’emporter… « On est coincés dans la Ve République et son présidentialisme », répond Raphaël Glucksmann à la question « où est le nouveau Jaurès ? ». « Même Jean-Luc Mélenchon n’est pas le nouveau Jaurès et pourtant c’est le meilleur d’entre nous. » Mais avant d’aborder 2022, il faudra s’unir. Car le risque de voir plusieurs villes de France passer sous pavillon macroniste ou frontiste est grand.

À cette plénière, personne, hormis Olivier Besancenot, n’a été candidat à une élection présidentielle. Personne non plus n’a les clés des mouvements qu’ils représentent ce dimanche. Les « leaders » de gauche que sont Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot et Benoît Hamon sont absents. Et peut-être est-ce pour le mieux… Des alliances aux précédentes élections ? Ça aurait pu, ça aurait dû, semblent-ils dire. Et peut-être qu’avec le départ des « cadors », ça se fera. En attendant, le fondateur de Génération·s se tient coi. Ses proches confient qu’il écrit deux livres : l’un est un essai sur le revenu universel, l’autre, un roman écrit « de manière malicieuse » dont le récit ne sera pas si éloigné de la réalité politique. Une histoire de gauche et d’union qui finit bien ?

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