La baronne a dit…
Un texte drôle et cruel de Jean-Luc Lagarce sur le savoir-vivre au XIXe siècle.
dans l’hebdo N° 1573 Acheter ce numéro
À la fin du XIXe siècle, la baronne Staffe donnait ses conseils pour appliquer les meilleurs usages et vivre dans la plus parfaite harmonie avec les gens du monde. Cent ans après, Jean-Luc Lagarce est tombé sur ces Règles du savoir-vivre dans la société moderne et les a malignement retouchées pour qu’elles nous parlent dans leur effarante certitude et leur moralisme écrasant où se cachent le mépris des classes inférieures et la passion de l’argent.
Ce texte à une voix a été beaucoup joué comme une charge hilarante contre une aristocratie-bourgeoisie très croyante, à l’arrogance aussi stupide que féroce. Dans le nouveau spectacle qu’ils ont élaboré de conserve, Roger-Daniel Bensky et Sophie Paul Mortimer partent sur d’autres pistes. Ils restent fidèles à l’humour de l’auteur et au décalage qui permet à une époque de se moquer d’une autre. Mais le duo actrice-metteur en scène fait remonter ce qu’il y a de fou, d’étrange et de dictatorial dans ces propositions qui concernent surtout les fiançailles et le mariage (avec, également, un regard très glacial sur la mort et les obsèques).
À force d’envelopper la vie de préceptes plus policiers que vertueux, il n’y a plus beaucoup d’humanité dans ce programme prétendument voué à la bonté. Mariés, parents, enfants, amis n’ont qu’à bien se tenir ! Tout le monde est mis au pas !
Rythmée par des airs dansants des années 1920, la soirée met en scène une baronne se prenant à la fois pour une prêtresse de la vie idéale et une sorte de Loïe Fuller moulinant au-dessus d’elle sa longue étole orange. Parfaitement accompagnée par les lumières changeantes de Gérald Karlikow, Sophie Paul Mortimer compose une baronne enivrée par ses certitudes mais parfois immobilisée par ses doutes. Il y a dans son jeu magnifique des siècles d’aristocratie pris au piège.
Les Règles ****du savoir-vivre dans la société moderne, Studio Hébertot, Paris, 01 42 93 13 04, jusqu’au 7 janvier. Texte aux Solitaires intempestifs.