Quand l’extrême droite fait la loi
Peu à peu, l’islamophobie devient ce marqueur résiduel de nos restes de barbarie que fut longtemps la peine de mort. La Macronie gouvernementale n’y échappe pas. Que ce soit par porosité, connivence ou opportunisme.
dans l’hebdo N° 1575 Acheter ce numéro
Il croyait pourtant bien faire, le vieux monsieur, en tentant de mettre le feu à la mosquée de Bayonne, puis en tirant sur deux hommes qui l’en empêchaient. Il avait tant entendu et lu ces derniers jours que les Français s’inquiètent de l’islam, et que sous le voile d’une accompagnatrice scolaire pouvait se cacher une dangereuse terroriste, qu’il s’était senti une âme de justicier. Un « vigilant » qui n’attend pas le crime pour abattre le suspect. Il croyait bien faire, et voilà que tout le monde le condamne, même Marine Le Pen, dont il avait été le candidat aux départementales de 2015. C’est à n’y plus rien comprendre. Car pour lui, vieil islamophobe radicalisé, grand amateur d’armes, l’heure n’était plus aux paroles. Il était convaincu que son acte s’inscrirait dans une logique qu’il avait vu se dérouler depuis deux semaines. Le 11 octobre, il avait lu, comme huit cent mille autres « vigilants », le tweet du conseiller Julien Odoul, qualifiant la présence d’une mère de famille portant foulard dans le public du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté d’« intolérable provocation communautariste ». Il avait repéré que l’élu RN établissait explicitement un lien entre cette femme accompagnatrice scolaire et l’assassinat de quatre policiers par un présumé islamiste, quelques semaines plus tôt à Paris. Il avait bien entendu le ministre de l’Éducation nationale regretter la brutalité de la méthode d’Odoul prenant à partie publiquement la jeune femme en séance du conseil régional, mais pour mieux l’approuver sur le fond.
Au total, on observera tout de même combien ce volet du pouvoir que l’on appelle régalien est aujourd’hui sous influence de l’extrême droite. Et comment, peu à peu, l’islamophobie devient ce marqueur résiduel de nos restes de barbarie que fut longtemps la peine de mort. La Macronie gouvernementale n’y échappe pas. Que ce soit par porosité, connivence ou opportunisme. Ce qui nous amène au cas du président de la République. Assurément, ses convictions sont différentes. Mais il y a les sondages, les fameux sondages qui déterminent toutes bonnes tactiques électorales. Et la volonté d’attirer les regards des Français loin des offensives antisociales qui sont à l’ordre du jour. Emmanuel Macron ne serait pas le premier à céder à la tentation de jouer avec le feu identitaire. Il a déjà commencé à remettre en lumière le dossier des migrants. Il annonce à présent des dispositions pour lutter contre le communautarisme. Va-t-on interdire des clubs, des associations, des colloques, le dîner du Crif ? Nul ne sait, mais l’entreprise paraît bien hasardeuse.
L’espoir (car il en faut) est venu la semaine passée de la cour d’appel de Paris. La juridiction vient de condamner pour diffamation Gilles Clavreul, qui, alors qu’il était à la tête de la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme (sic), avait qualifié le Collectif contre l’islamophobie en France d’« antisémite ». Au procès, Dominique Vidal a cité la politologue Nonna Mayer, qui appelle chacun à parler d’antisémitisme « avec rigueur ». On ajoutera « avec honnêteté ».
(1) Voir aussi la chronique de Sébastien Fontenelle, p. 21.
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