Cédric Revault, 37 ans, pompier professionnel
« On gère de plus en plus de détresse sociale, de tentatives de suicide, et on n’est pas formés pour ça ! »
dans l’hebdo N° 1580 Acheter ce numéro
Cédric a toujours su qu’il n’était pas fait pour travailler dans un bureau. Au début, il voulait suivre la filière Staps (sciences et techniques des activités physiques et sportives). « On m’a dit que j’étais nul en maths alors on m’a envoyé en comptabilité. » Allez comprendre ! Sans surprise, il ne se passionne guère pour ses études. À 17 ans, il s’engage en tant que pompier volontaire. « J’ai rencontré un lieutenant sapeur-pompier à un forum des métiers. J’ai été séduit par l’aspect rigoureux, sportif, le goût du risque et la camaraderie. En arrivant à la caserne de Houilles-Sartrouville, j’avais des étoiles dans les yeux. »
C’est décidé, Cédric sera pompier professionnel. Il passe les concours, suit la formation de trois mois, réduite à deux lors des réformes de 2012, faute de budget. « Déjà, trois mois, c’est vraiment court, mais deux… c’est presque dangereux : on y apprend toutes les techniques du feu ! » Cédric doit aussi apprendre tout seul à se blinder. « On subit un stress comparable aux militaires en opération extérieure : il faut savoir switcher, voir un crâne explosé ou un bras arraché et boire un café avec ses enfants une heure après. »
Alors, face aux réformes qui limitent leur montée en grade et baissent leurs effectifs, la colère gronde chez les pompiers. Dans la caserne de Cédric, à Montigny-le-Bretonneux, dans les Yvelines, « on est passés de 19 pompiers de garde à 14, avec un nombre d’interventions en hausse constante… On gère de plus en plus de détresse sociale, de tentatives de suicide, et on n’est pas formés pour ça ! » déplore-t-il. La charge mentale et physique pèse de plus en plus lourd. « On s’use plus vite. Avant, je pensais finir pompier ; aujourd’hui, je ne suis pas sûr. » La réforme des retraites, c’en est trop ! « Je ne me vois pas encore là à 63 ou 67 ans ! » Cédric a conscience que son métier, régalien, sera probablement l’un des plus protégés des effets de la réforme. Mais, le 5, il sera dans la rue, en tenue, pour défendre son service public. Le 15 octobre, à l’appel de son syndicat, la FA/SPP-PATS (1), Cédric y était déjà. Il a été surpris par l’intervention de la police. « On avait les mains en l’air, on criait qu’on ne voulait pas casser, qu’on était là pour défendre nos droits… ils nous ont gazés sans scrupule, c’était violent ! Je n’irai pas chercher le contact avec la police, mais s’ils chargent, je défendrai les manifestants, même si je porte l’uniforme. »
(1) Fédération autonome des sapeurs pompiers professionnels et des personnels administratifs et techniques spécialisés.