Drôle d’oiseau

Rouge Gorge : n’est-ce pas un nom de scène idéal pour un chanteur ? C’est en tout cas celui qu’a choisi Robin Poligné, jeune homme originaire de la région de Rennes, tout simplement parce que « robin » signifie « rouge-gorge » en anglais. En ôtant le trait d’union, il a subtilement accentué la singularité de son nom de scène, qui s’accorde très bien à celle de sa musique.

Rouge Gorge a pris son envol en 2017 avec un premier album homonyme distillant une pop synthétique décalée et acidulée au fil de chansons (presque toutes en français) joliment accrocheuses, à commencer par l’irrésistible Les Primevères des fossés. Deux ans après arrive René, son deuxième album. Entre les deux, Robin Poligné a traversé une terrible épreuve : il s’est retrouvé dans le coma pendant une semaine en raison de l’aggravation de la maladie auto-immune dont il souffre depuis longtemps. Quand il est revenu parmi les vivants, il a eu le sentiment de renaître.

Dès son titre, que l’on peut décomposer en re-né, ce nouvel album se présente ainsi comme la chronique – distanciée – d’une renaissance. D’emblée on perçoit un changement dans la voix. Auparavant ample et assurée, elle apparaît maintenant fragile et voilée, sans perdre de son pouvoir de séduction, bien au contraire.

Toujours dans une veine pop synthétique, les huit chansons de l’album (toutes en français cette fois) oscillent avec beaucoup d’élégance entre légèreté et gravité. La justesse suggestive des paroles séduit autant que la sobriété vive de la musique. On pense parfois à Étienne Daho, Mikado, Bertrand Betsch ou (surtout) au Dominique A des débuts, mais on ne saurait réduire Rouge Gorge à la somme de ses influences. En deux albums seulement, il s’affirme déjà comme un auteur-compositeur-interprète de premier plan.

René, Rouge Gorge, Dokidoki, www.dokidoki.bandcamp.com