Hakim, 21 ans, étudiant
« Les gens en ont marre de voir les riches s’enrichir sur le dos des plus pauvres. »
dans l’hebdo N° 1580 Acheter ce numéro
Si Hakim (1) devait décrire la vie étudiante en un mot, lequel choisirait-il ? Savoirs ? Échanges ? Épanouissant ? Aucun de ceux-là. Pour cet étudiant en deuxième année qui navigue entre la Sorbonne et Tolbiac, le terme le plus juste serait plutôt « précarité ». Voilà deux ans que ce Roubaisien d’origine occupe un studio « un peu délabré » du Crous. Pour payer son loyer, le jeune homme doit travailler en parallèle de ses études. « Quand j’ai cumulé ma bourse – quand elle est payée à temps –, l’APL et mes salaires, j’ai à peu près 650 euros par mois pour vivre, explique Hakim. Ça implique de manger dans des épiceries solidaires, parfois de ne pas manger, et de prier pour ne pas tomber malade, parce que je n’ai pas les moyens d’aller chez le médecin. »
Pourtant, ce militant très impliqué dans les groupes d’information pour étudiants relativise sa situation par rapport à celle de certains de ses camarades : « On en arrive à un point où des gens limitent leurs douches par manque d’argent, c’est quand même hallucinant ! » Si Hakim n’en est pas là, c’est parce qu’il jongle entre les baby-sittings, les livraisons, ses cours de science politique et de philosophie, ses problèmes d’impayés, de découvert… « Au bout d’un moment, c’est l’explosion et ça se termine comme l’étudiant qui s’est immolé devant le Crous à Lyon », déplore-t-il tout en avouant avoir été peu étonné par ce geste de désespoir. Frappés par une précarité qui planifie leur échec et leur marginalisation de l’enseignement supérieur mais bien décidés à s’accrocher, lui et des centaines d’étudiants de son université ont décidé de se joindre à la grève du 5 décembre. Pour défendre le système des retraites mais aussi exiger plus de justice dans l’attribution des bourses, l’aménagement d’un revenu étudiant et des budgets décents pour les universités.
Mais ce qu’Hakim attend par-dessus tout, c’est la convergence des luttes : « Le gouvernement essaie encore de nous monter les uns contre les autres en désignant les bénéficiaires de régimes spéciaux comme des privilégiés, pour qu’on ne se rende pas compte que notre ennemi commun, c’est le système néolibéral. Mais là, je crois que les gens en ont marre de voir les riches s’enrichir sur le dos des plus pauvres, à qui on demande en plus de se réjouir des miettes qu’on a bien voulu leur laisser. »
(1) Le prénom a été modifié.