Instruction morale et civique

Puisque nous parlons de déontologie, je vais vous soumettre les cas de MM. Ferrand et Delevoye.

Sébastien Fontenelle  • 18 décembre 2019 abonné·es
Instruction morale et civique
© Kenzo TRIBOUILLARD / AFP

Bonjour, les enfants. Aujourd’hui, comme vous le savez, c’est notre dernier cours d’éducation morale et civique (EMC) avant les vacances de Noël. Comme vous le savez aussi, cette discipline, chère à notre ministre (l’excellent M. Blanquer, qui en est si entiché qu’il a même dirigé en 2012 la confection d’un petit ouvrage précisément consacré, c’était son titre, à « l’instruction morale à l’école »), a été conçue pour vous aider, tout au long de votre scolarité, « à devenir des citoyens responsables et libres, conscients de leurs droits mais aussi de leurs devoirs », à forger votre « sens critique et à adopter un comportement éthique », à vous préparer « à l’exercice de la citoyenneté », à vous « sensibiliser à la responsabilité individuelle et collective » – et, bien sûr, à vous « transmettre les valeurs » de notre si merveilleuse « République ».

Et puisque nous parlons de M. Blanquer et de déontologie, je me suis dit que j’allais vous soumettre les cas de deux de ses proches voisins.

D’une part, celui de M. Ferrand, quatrième personnage de l’État, qui a été mis en examen pour « prise d’illégale d’intérêt » il y a trois mois et qui depuis se cramponne à son siège de président de l’Assemblée nationale – protégé, il est vrai, par le même M. Macron qui déplorait en 2017, lorsqu’il s’est porté candidat à l’élection présidentielle, qu’« année après année le regard que nous portons sur notre classe politique se dégrade sans que rien ne change vraiment », puis pontifiait qu’il fallait donc « aller plus loin dans la transparence et l’exigence », puis promettait qu’il proposerait, après son élection, « une grande loi de moralisation de la vie publique » comprenant l’« interdiction pour les parlementaires d’exercer une activité de conseil parallèlement à leur mandat, pour mettre fin aux conflits d’intérêts ».

D’autre part celui de M. Delevoye : haut-commissaire aux Retraites entré au gouvernement le 3 septembre dernier, cet important personnage (1) a « omis par oubli » (a-t-il dit sans rire) de mentionner dans sa déclaration d’intérêts à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (2) qu’il avait, après septembre, conservé plusieurs mandats (3) bénévoles. Par ailleurs, il a continué d’exercer, en sus de ses nouvelles fonctions ministérielles, alors que la loi l’interdit, une activité (grassement) rémunérée au sein d’un think tank.

Mais, heureusement, M. Blanquer, expert ès « morale », a jugé que ces accommodements se résumaient à une simple « erreur » – pardonnable sitôt qu’avouée : belle leçon, n’est-il pas ? Et tellement macroniste…

Bon Noël et excellente fin d’année à tou·te·s.

(1) Dont vous devez bien sûr vous rappeler, en toute équité, et à la fin de ne point trop l’accabler, que nonobstant qu’il ait fait presque toute sa carrière dans des enceintes parlementaires et ministérielles, et qu’il eût dû par conséquent connaître par cœur les règles de ce sérail, il n’a pas eu comme vous la chance d’être dès le CE2 instruit de ses devoirs et sensibilisé à sa responsabilité individuelle.

(2) Ne riez pas, les enfants.

(3) Quatorze en tout à ce jour.

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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