La Sologne barricadée entre des milliers de kilomètres de grillage

Un rapport suggère de mettre fin à ce scandale….

Claude-Marie Vadrot  • 13 décembre 2019
Partager :
La Sologne barricadée entre des milliers de kilomètres de grillage
© Photo : ANTOINE LORGNIER / ONLY FRANCE / AFP

Depuis une dizaine d’années la magnifique forêt de Sologne se couvre peu à peu de grillages et d’interdictions. Sous la pression des chasseurs et de grands propriétaires, souvent les mêmes, et fréquemment avec la complicité des maires, cet espace naturel, créé au XIXe siècle pour assainir de nombreux marécages, et qui couvre environ 5.000 kilomètres carrés, est peu à peu devenu inaccessible aux promeneurs, aux habitants, aux naturalistes et à tous ses habitants. 

Tous se heurtent désormais aux grillages, qu’ils soient ramasseurs de champignons et, même, comble de paradoxe, chasseurs individuels – ceux qui n’ont pas les moyens de se payer des actions des sociétés de chasse privées. Tous se heurtent également à des pancartes dissuasives et menaçantes, à des clôtures infranchissables, à des pièges ou à des gardes privés, et à la fermeture des pistes et sentiers qui permettaient encore récemment aux promeneurs de profiter de cette nature à la riche biodiversité. Ceci pour faciliter les chasses privées ou assurer la « tranquillité » des riches propriétaires. Lesquels cherchent à rentabiliser des espaces couvrant parfois des centaines d’hectares.

La faune menacée

En 2018, face aux protestations des Solognots, le Conseil régional a fixé des limites aux grilles posées à grand frais. Elles ne doivent pas dépasser une hauteur de 120 centimètres et laisser un espace de 40 centimètres au dessus du sol pour permettre la circulation de la petite faune dans toute la région. Mais cette nouvelle réglementation à l’encontre des propriétaires, n’a pas été suivie d’effet car elle ne prévoit aucune sanction. Au contraire, comme les gestionnaires craignaient visiblement qu’une loi ou un arrêté préfectoral durcisse cette réglementation, la plupart ont accéléré le rythme de l’engrillagement, rehaussé la plupart des obstacles et multiplié les interdictions. 

Conséquences : en beaucoup d’endroits la faune est définitivement emprisonnée et les automobilistes ou les cyclistes roulent pendant des kilomètres entre des palissades et des grillages. Sans pouvoir pénétrer dans la forêt. Les grands mammifères comme les cerfs sont de plus en plus nombreux, pour fuir les battues privées, à se blesser ou à se tuer en tentant de franchir les obstacles qui sont la plupart du temps surmontés ou doublés par des fils de fer barbelés et ne respectent pas la règlementation. Nombreux sont les habitants de Sologne qui ont assisté à leur mise à mort alors qu’ils sont acculés à l’obstacle privatifs. 

Quant à la petite faune, faute de passage sous le grillage, elle disparaît doucement mais sûrement faute de pouvoir se nourrir ou se reproduire. Seuls les oiseaux échappent à cet enfermement. C’est sans doute pour cela que lorsqu’un faisan déambule sur une route, il est facile de l’approcher, voire de le capturer, en lui offrant des grains de maïs. Car ces oiseaux apprivoisés sont nourris avec ce maïs avant d’être relâchés devant les chasseurs.

Les habitants enfermés sur les routes !

Comme les protestations des habitants de la région sont de plus en plus véhémentes et que certains menacent d’envoyer des « commandos » cisailler les clôtures – c’est le cas du cinéaste Nicolas Vanier qui réside dans cette Sologne où il est né –, le gouvernement a demandé une étude à un groupe de spécialistes et d’ingénieurs. Elle vient d’être rendue publique. En une soixantaine de pages, elle donne raison à la majorité des Solognots et conclut: 

Tout concourt à démontrer que les enclos hermétiques ou l’utilisation de grillages imperméables à la faune sont un non-sens cynégétique, présentent des non-conformités en matière de droit à l’environnement ou de droit rural et échappent au contrôle des élus et de l’Etat.

 Une des mesures suggérées est que la chasse soit désormais interdite dans les espaces naturels clos.

Écologie
Temps de lecture : 3 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Une proposition de loi surfe sur la colère agricole pour attaquer violemment l’environnement
Environnement 19 novembre 2024 abonné·es

Une proposition de loi surfe sur la colère agricole pour attaquer violemment l’environnement

Deux sénateurs de droite ont déposé une proposition de loi « visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur ». Mégabassines, pesticides, etc. : elle s’attaque frontalement aux normes environnementales, pour le plus grand bonheur de la FNSEA.
Par Pierre Jequier-Zalc
« L’élection de Trump tombe à un très mauvais moment pour le climat »
Entretien 13 novembre 2024 abonné·es

« L’élection de Trump tombe à un très mauvais moment pour le climat »

Climatosceptique de longue date, Donald Trump ne fera pas de l’écologie sa priorité. Son obsession est claire : la productivité énergétique américaine basée sur les énergies fossiles.
Par Vanina Delmas
« Des événements comme la COP 29 n’apportent pas de transformations politiques profondes »
Entretien 8 novembre 2024 abonné·es

« Des événements comme la COP 29 n’apportent pas de transformations politiques profondes »

Le collectif de chercheurs Scientifiques en rébellion, qui se mobilise contre l’inaction écologique, sort un livre ce 8 novembre. Entretien avec un de leur membre, l’écologue Wolfgang Cramer, à l’approche de la COP 29 à Bakou.
Par Thomas Lefèvre
Clément Sénéchal : « Les gilets jaunes ont été le meilleur mouvement écolo de l’histoire récente »
Entretien 6 novembre 2024 libéré

Clément Sénéchal : « Les gilets jaunes ont été le meilleur mouvement écolo de l’histoire récente »

L’ancien chargé de campagne chez Greenpeace décrypte comment la complicité des ONG environnementalistes avec le système capitaliste a entretenu une écologie de l’apparence, déconnectée des réalités sociales. Pour lui, seule une écologie révolutionnaire pourrait renverser ce système. 
Par Vanina Delmas