Le grand retour de la vulve !
Longtemps cachés entre les cuisses, ou cantonnés aux représentations pornographiques, les organes génitaux féminins apparaissent au grand jour via le travail d’artistes, des campagnes militantes et même la publicité. Une démarche politique.
dans l’hebdo N° 1582-1584 Acheter ce numéro
Il est désormais loin, le fameux tableau de Gustave Courbet, L’Origine du monde. Le peintre avait osé montrer une vulve poilue, vraie, mais dont les détails restaient tout de même délicatement cachés entre les lèvres et la toison, et son titre l’attachait encore à son rôle procréateur. Scandaleux pour l’époque. Toute révolution a ses limites, mais un pavé était lancé dans la mare. C’est dans les années 1960 que les féministes mettent un pied dans la porte du patriarcat en osant peindre et sculpter des sexes féminins en détail, montrer ce que la société voulait tant dissimuler.
En 1966, la gigantesque Nana de Niki de Saint Phalle invite, cuisses ouvertes, le public à aller et venir en elle. Elle côtoie les sculptures de l’États-unienne Hannah Wilke, pionnière de l’art féministe, qui moule dans la terre cuite et expose au monde ses propres organes génitaux. Mais le système se défend. Tous ces efforts sont vite rabroués et submergés par le déferlement du porno et de son attirail marchand. D’objet artistique et politique, la vulve devient sexuelle et commerciale. L’échec est patent, mais des graines ont été semées. À l’horizon 2010, elles germent.
En France, l’association Osons le féminisme ébranle le pays avec sa campagne « Osez le clito » en 2011. Dix mille affiches représentant un dessin de clitoris se répandent dans les rues de France. « On s’était dit que la seule manière franche de parler de féminisme était d’évoquer le plaisir féminin, et il se trouve que les femmes ont un organe dédié : on a donc pris le pari de l’exposer, se souvient Raphaëlle Rémy-Leleu, ex-porte-parole d’Osez le féminisme, maintenant tête de liste d’EELV à Paris-Centre. À l’époque, nos affiches ont été dénoncées comme pornographiques ! »
De fait, la France est bousculée. « Les féministes vont-elles trop loin ? » titre le magazine Marie-Claire, interrogeant la féministe Lydia Guirous (qui deviendra quelques années plus tard porte-parole des Républicains), qui fustige une campagne « inutile, dégradante et réductrice ». Mais, au grand dam des réactionnaires, le buzz est là. La vulve réapparaît dans l’espace public et réinvestit le champ artistique, à l’instar de ce projet du sculpteur anglais Jamie McCartney, qui, dès 2012, se lance dans la création d’un mur des vulves : plus de quatre cents portraiturées à partir de modèles réels qui s’exposent aux quatre coins du monde.
La vulve et son clitoris sont dorénavant choses publiques et se déclinent en vidéos, dessins, sculptures, sur les murs, les réseaux sociaux, etc. Les femmes veulent être vues telles qu’elles sont. Même le sang qui coule de leur vagin est source de revendications. Les règles sont désormais rouges et non plus bleues, comme dans les anciennes publicités pour serviettes hygiéniques. Des marques s’emparent du phénomène, dont Nana et sa campagne « Vive la vulve ».
« Lorsque même la publicité se revendique féministe, c’est qu’il s’est passé quelque chose, concède Raphaëlle Rémy-Leleu. Mais il reste encore beaucoup de travail à faire : on aimerait, par exemple, avoir des protections hygiéniques bio avec la liste exacte des produits de fabrication utilisés… » Histoire d’ancrer encore plus dans le réel ces avancées culturelles.