Les Sardines font bloc contre Salvini
Depuis le 14 novembre, les villes italiennes connaissent d’étranges rassemblements, sous le signe d’un animal a priori sans référence politique.
dans l’hebdo N° 1580 Acheter ce numéro
Dix mille puis 15 000 personnes à Bologne, autant à Naples, 40 000 à Florence, 7 000 dans la petite Modène. Et à Palerme, Milan, Turin… Depuis le 14 novembre, les villes italiennes connaissent d’étranges rassemblements, sous le signe d’un animal a priori sans référence politique : la sardine. On entend pourtant, à chaque fois, « Bella Ciao », la chanson de la Résistance et des partisans transalpins. Mais aucun drapeau de parti politique n’y est toléré, quelques participants avec la faucille et le marteau ont même été prestement écartés. Qui sont donc ces partisans de la sardine ?
L’idée est née sur Internet et les réseaux sociaux, lancée par quatre trentenaires totalement inconnus : se serrer dans la rue… comme des sardines ! Pour exprimer un rejet catégorique de l’extrême droite xénophobe de Matteo Salvini et sa Ligue (à près de 35 % dans les sondages), qui, aujourd’hui alliée au parti de Berlusconi (en pleine déconfiture) et à la formation « post-fasciste » Fratelli d’Italia (autour de 10 %), est devenue « la » droite tout court. Non sans un sentiment d’urgence : le 26 janvier auront lieu les élections régionales en Émilie-Romagne, que Salvini sillonne assidûment, fanfaronnant déjà en vue d’une victoire annoncée. Une éventualité jadis impensable dans cette contrée, « rouge » depuis 1945, marquée profondément par le souvenir de la Résistance, où se déroulaient les films de Don Camillo avec Fernandel. Mais si Salvini affiche une telle confiance, c’est que, fin octobre, ses candidats l’ont emporté largement en Ombrie, supposée tout aussi « imprenable »…
C’est donc la seule volonté de s’opposer à Salvini qui anime les Sardines, dont les lieux de rassemblement sont, à chaque fois, choisis au plus près de ses apparitions ou meetings. Dans un engouement massif, rapide, à travers toute la péninsule, rassurant une partie de la gauche, toujours en piteux état. Cet engagement clair contre l’extrême droite a de quoi réjouir, tant il montre que la société italienne n’a pas été complètement anesthésiée par les discours xénophobes et haineux du petit Mussolini lombard. Toutefois, ce mouvement, citoyen, civique, spontané, (s’en) tient à un positionnement modéré, voire un peu trop lisse, reflétant sa sociologie, foncièrement urbaine, issue pour une bonne part des secteurs les plus privilégiés des grandes villes italiennes (différant en cela des gilets jaunes). Et les Sardines se gardent bien de toute prise de position sur la question sociale, comme le regrette déjà la gauche de gauche.
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